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la même année à propos de la loi des chemins vicinaux. Encore, après avoir pris l’engagement de s’exécuter, se donna-t-on trois ans pour réfléchir.

Dans toute l’épaisseur de la zone, l’établissement, le perfectionnement, le simple entretien des voies de communication, non-seulement des chemins de fer, des canaux, des routes nationales, mais même des chemins vicinaux, est subordonné à des conditions rigoureuses. Sur toute cette étendue, l’ouverture d’une voie nouvelle, l’amélioration ou la réparation d’une voie ancienne, ne sont permises qu’après qu’il a été prouvé qu’il n’en pourrait résulter quelque jour, dans le cas d’une guerre, quelque facilité pour l’ennemi de pénétrer dans l’intérieur. Si la communication dont il s’agit ne va pas passer sous le feu d’une place forte, construction, amélioration et entretien peuvent être interdits, doivent l’être aux termes des règlemens. Les chemins vicinaux en particulier, ces communications les plus multipliées de toutes, les plus utiles à l’avancement des arts agricoles, au bien-être des populations des campagnes, ont là une cause d’ajournement indéfini, parce qu’à la différence des chemins de fer, des canaux et des routes nationales ou départementales, dont les projets sont chaleureusement défendus par l’administration des ponts-et-chaussées, qui en est la mère, on n’a confié à personne qui pût prendre l’affaire à cœur le soin de plaider devant la commission mixte[1] la cause de ces voies si intéressantes.

Ainsi, en voulant empêcher notre territoire d’être quelque jour viable pour l’ennemi, on s’oppose à ce qu’il le devienne pour nous. Or, il n’y a pas de bonne agriculture sans bons chemins, et, comme disait le docteur Quesnay dans la formule qu’il fît composer dans un atelier d’imprimerie au roi Louis XV, pauvres paysans, pauvre royaume. C’est donc une cause de misère qu’avec ces malencontreux règlemens on perpétue dans le pays.

L’achèvement des fortifications de Paris, qui met la capitale à l’abri d’une surprise, n’a pas touché l’administration de la guerre. La zone des servitudes demeure la même ; les servitudes restent ce qu’elles étaient.

Le soin de veiller à l’exécution de cette législation a été confié aux officiers du génie, dont tout le monde connaît et honore le savoir et le patriotisme, mais qui, on le sait aussi, sont d’une minutieuse ponctualité dans l’accomplissement des devoirs qui leur sont tracés. Dans cet état de choses, la législation des servitudes militaires est maintenue dans sa lettre, et plusieurs départemens en ont éprouvé un dommage extrême. Dans le midi, par exemple, c’est la cause que la parole

  1. On sait que c’est une commission formée de hauts fonctionnaires civils et militaires qui statue sur la question de savoir si les projets sous conformes aux nécessités réelles ou prétendues de la défense du territoire.