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et facilitée, si, maîtres désormais de la lettre et de l’esprit de la législation de nos barbaresques, nous tâchions d’ajuster aux besoins et à l’exercice de notre pouvoir une partie de ces prescriptions séculaires et de ces formes consacrées par la religion et l’usage. Les principes qui régissent les contrats et le système de prélèvement des impôts voudraient être étudiés avec un soin spécial. Ces deux sujets occupent une place étendue dans le Mouktaç’ar, et y sont traités à fond. Peut-être aussi parviendrait-on à donner une base solide à la colonisation européenne, si, par une méditation attentive des textes du code islamique, on se rendait exactement compte des conditions essentielles de la propriété chez les peuples musulmans. Un curieux système a été formulé à ce sujet par un écrivain qui a fait une étude approfondie du Mouktaç’ar dans l’original, ainsi que de tous les traités de jurisprudence des quatre rites orthodoxes.

D’après M. Worms, tout l’édifice de l’islamisme repose sur une idée de conquête, comme l’indique le mot islam, qui, en arabe, signifie soumission. Aussi voit-on, dès l’origine, la loi musulmane diviser le monde en deux catégories, celle des croyans et celle des infidèles, des vainqueurs et des vaincus, soit que ceux-ci aient persisté dans leur foi primitive, soit qu’ils aient cédé à la prédication du sabre et embrassé de force la vraie religion. De ce principe découlent tous les rapports politiques et sociaux. La caste conquérante possède à titre collectif la presque totalité du sol, dont elle abandonne la culture et la jouissance à l’ancien habitant, moyennant tribut. Le tribut se compose de deux impôts, la capitation ou taxe personnelle, et la taxe foncière. La capitation est le rachat de la mort, le signe de la servitude, et l’obligation de compter par têtes les vaincus comme on compterait du bétail leur a fait appliquer la qualification de rayas, dont la racine est rayet (troupeau). L’impôt foncier, nommé kharadj, représente depuis le cinquième jusqu’à la moitié du revenu, sans pouvoir dépasser ce chiffre. Toute terre, suivant les légistes, est kharadj ou décimale, — terre de tribut ou terre de dîme. Nous venons de décrire le kharadj ou tribut ; la terre de dîme est celle qui est considérée comme originairement musulmane ou celle dont les habitans se sont volontairement soumis à l’islamisme. À ce compte, il n’y a guère que l’Arabie qui soit de droit terre de dîme, l’Égypte, la Syrie, et les autres portions du monde musulman ayant été réunies plus ou moins violemment par la force des armes. Certaines parcelles du territoire qui, après la conquête, ont été enlevées à leurs anciens possesseurs pour devenir la propriété des soldats conquérans, sont néanmoins également classées dans cette catégorie.

La dîme se prélève en nature sur le produit de la terre et le loyer des esclaves. On donne à ces prélèvemens le nom de zekkaet. Ils constituent, d’après le code, une obligation canonique, et la destination en est essentiellement religieuse. C’est le premier impôt connu dans l’islam. Il fût institué par Mahomet lui-même, et devait constituer un fonds commun pour les frais d’établissement et de propagande de la vraie foi, en d’autres termes, pour l’entretien de l’armée. À cet égard, la pensée du législateur a toujours été scrupuleusement respectée. Lorsque, par suite de l’accroissement des autres branches du revenu, les zekkaet n’ont plus été absorbés par l’entretien de l’armée, on les a affectés