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unanime élan. L’argent lui-même, par nature si timide, s’enhardit quand il faut soutenir l’honneur national, et, songeons-y, la masse ne tient si ferme, elle ne présente tant de consistance et tant de résolution, que parce que de la masse elle-même se détachent à tout moment des individus énergiques qui ne redoutent pas la responsabilité, et qui, dans toutes les conditions, même les plus modestes, font leur devoir d’individu. Le livre de M. Francis est rempli de ces figures originales et méritoires de bons et braves citoyens. Je voudrais en rencontrer beaucoup de pareilles dans la vie de ce pays-ci et de ce temps-ci.

A. T.


A HISTORY OF ARCHITECTURE (Histoire de l’Architecture), par Edward-A. Freeman, M. A.[1]. — Encore un livre sorti de ce mouvement puseyiste d’Oxford, qui s’est efforcé « de transformer de nouveau la maison à sermons en un temple de prières et de sacremens. » Au milieu des agitations politiques, des préoccupations industrielles et du développement des sciences positives, il est curieux de suivre dans les pages de M. Freeman l’idée fixe qui s’y traduit, le respect immodéré que les formes du culte et les pompes extérieures de l’église lui inspirent à lui et à tout un parti. C’est là un de ces mille symptômes qui font si bien voir comment en Angleterre les tendances les plus diverses se prononcent côte à côte avec une égale intensité, et comment la sagesse du pays est incessamment produite par le concours de toutes ces aspirations exclusives, nous dirions presque de toutes ces folies. Pour sortir des généralités, il n’est pas douteux que le puseyisme, ou la jeune Angleterre, ait rendu de grands services à l’architecture en s’attaquant à cet esprit calviniste qui, par crainte de la superstition, allait jusqu’à proscrire l’art. Sous son influence, des hommes remarquables se sont voués à l’étude des antiquités ecclésiastiques. Ils ont fondé des sociétés, ils ont fondé des revues (l’Ecclesiologist, entre autres), et, si la réaction religieuse n’a pas été la seule cause, au moins a-t-elle été une des principales causes qui ont placé l’Angleterre à l’avant-garde de la science archéologique.

Comme M. Freeman nous l’apprend lui-même, c’est par l’ecclésiologie qu’il est arrivé à l’architecture, et, jusqu’à un certain point, on retrouve encore chez lui la trace de ses premières prédilections. Toutefois son ouvrage n’est nullement composé au point de vue spécial de l’archéologie sacrée, pas plus qu’au point de vue de l’archéologie pure. Disons tout de suite qu’il n’est pas davantage un recueil de documens techniques. — Personnellement, M. Freeman est loin d’avoir visité tous les monumens dont il s’occupe, et il ne prétend point faire avancer la science analytique. Son but est tout autre : il s’est proposé de combler une lacune en écrivant une histoire systématique de l’art architectural. Il a voulu deux choses : premièrement, préciser les divers styles qui se sont succédé, saisir leurs rapports esthétiques, comme leur filiation, et les grouper de manière à les embrasser dans un seul ensemble ; en second lieu, ou plutôt en même temps, il a voulu rattacher cette longue évolution de l’architecture à l’histoire générale, en cherchant à lire sur la face des édifices les idées que les

  1. 1 vol. London. Jos. Masters, Aldersgate-Street