Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Souvent à cette foule se mêlent des personnes d’un rang ou d’un mérite considérable. On raconte, par exemple, que le célèbre Leone Allacci, bibliothécaire de la Vaticane sous Alexandre VII, auteur de plusieurs grands ouvrages de théologie et de la Dramaturgia, allait se délasser tous les soirs aux marionnettes. J’ignore malheureusement la source de cette tradition si honorable pour les tréteaux de Polichinelle.

Passons, à présent, sur la gran piazza de Milan, aux jeux des fantoccini, autre nom des marionnettes. Le savant père Francesco Saverio Quadrio, auteur estimé d’une histoire générale de la poésie, ne dédaignera pas de nous servir de cicerone. Il nous révèle, en effet, avec une rare compétence, dans un chapitre spécial[1], les divers secrets de Pulcinella et toutes les ficelles qu’emploient les joueurs qui le font gesticuler et parler. Parmi ces dupeurs d’yeux et d’oreilles, celui qui, au témoignage du savant père de la compagnie de Jésus, attirait de son temps et retenait autour de ses tréteaux la plus belle et la plus nombreuse compagnie, était Massimino Romanini, Milanais, dont le nom lui a paru digne d’une honorable mention.

C’était presque toujours un seul joueur qui faisait mouvoir tous les personnages, et qui en même temps récitait ou improvisait toute la pièce. Ce maître Jacques des marionnettes avait soin de varier ses intonations, suivant les rôles, au moyen du siffet-pratique, appelé en Italie fischio[2] ou pivetta ([3]. Quelquefois cependant deux personnes se partageaient la besogne ; l’une récitait ou improvisait la pièce (la burletta), tandis que l’autre ne s’appliquait qu’à régler la marche et les gestes des pantins.

Les choses se passaient ainsi au XVIIe siècle, et se passent encore à peu près de même, non-seulement dans les rues et sur les places de Rome, de Florence et de Milan, mais dans celles de toutes les villes d’Italie. À Venise sur la rive des Esclavons, à Naples sur le largo di Castello, à Turin, à Gênes, à Bologne, partout on est assuré de trouver un grand nombre de castelletti, entourés par un auditoire toujours attentif, toujours amusé, toujours content.


III. – GRANDS THEÂTRES DE MARIONNETTES.

Outre les Puppi en plein air, il y a dans toutes les villes d’Italie des marionnettes plus élégantes, ayant élu domicile dans de vrais petits théâtres, où les amateurs du genre peuvent aller les applaudir, assis commodément sur les banquettes d’un parterre dont le prix varie de

  1. Storia e ragione d’ogni poesia. Milano, 1744 ; vol. III, part. 2e, p. 247 et 248.
  2. Voy. dans Il Malmantile, cant. II, st. 46, la note de Paolo Manucci.
  3. Diminutif de piva, cornemuse.