Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/533

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

I. – DE LA REVOLTUION AU POINT DE VUE PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX.

Que n’a-t-on pas dit sur la révolution de février ? de quoi ne l’a-t-on pas accusée ? Illégalité politique, illégitimité philosophique, athéisme, communisme, esprit d’intrigue inavouable, ambition vulgaire, on a accusé de tout cela et de bien d’autres choses encore elle et ses auteurs ; eh bien ! tout cela est vrai. C’est un des caractères de cette révolution de défier même l’exagération. Quelque chose honteuse qu’on puisse rêver, on peut hardiment la lui appliquer et l’en charger sans crainte ; on n’épuisera jamais son côté immoral. On peut dire beaucoup de choses sur le droit d’insurrection, sur l’esprit révolutionnaire, on peut se perdre en spéculations métaphysiques pour en prouver la légitimité ou l’illégitimité il n’y a pas de révolution où l’on ne puisse peser le pour et le contre, et donner des raisons sans fin ; mais de celle-là, on n’en peut rien dire, sinon qu’elle est un fait que l’histoire, muse sévère et morale, voilera par pudeur et par haine de l’obscénité, car l’histoire répudie les faits qui manquent avec elle de dignité et de décence. Non jamais pareil fait ne s’était produit à la lumière du soleil. Jadis les railleurs suivaient à Rome le char du triomphateur qui dominait railleries et insultes, les regardant comme les grotesques instrumens nécessaires à la glorieuse symphonie qui l’environnait ; mais ici les quolibets et les railleries ont pris subitement un rôle qui ne leur avait jamais été dévolu, et ils sont devenus les vengeurs de la morale éternelle.

Il apparaît quelquefois dans l’ordre naturel des phénomènes bizarres, des monstres, des animaux difformes, des curiosités de médecine et d’histoire naturelle ; il naît des êtres mal créés, méchans, ignobles, fruit, dirait-on, des déréglemens de la nature. Dans un de ses discours sur la philosophie de la vie, Frédéric Schlegel dit, en une page pleine du scientifique illuminisme qui est le caractère de son esprit, qu’il y a dans le monde des êtres, les singes par exemple, qui n’appartiennent pas à la création, mais qui sont comme la parodie satanique de cette même création. Il y a des jours où la nature semble ivre, où elle trébuche, où ses yeux louchent, où sa main tremble, où elle remplit déplorablement les fonctions qui lui sont propres. Les œuvres de la puissance créatrice en délire et de la vie troublée dans ses sources nous font horreur et à juste titre. On ne plaint guère ces tristes monstres, car la pitié n’appartient qu’aux souffrances et aux douleurs qui sont conformes aux lois morales et qui résultent de l’accomplissement de ces lois. On ne plaint pas ces monstres, parce qu’ils sont l’expression visible d’une déviation et d’une désobéissance aux lois éternelles. C’est dans l’ordre de ces faits qu’il faut ranger la révolution de février. Ce n’est pas tant l’esprit de révolte qui est la cause