Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


31 juillet 1850.

Eh bien ! que voulez-vous ? En dépit des agitations de l’assemblée, en dépit des discours de tribune, et des articles de journaux, des alarmes et des menaces, nous sommes optimistes, et nous croyons que du mouvement et du tapage de paroles que nous avons vu et entendu depuis dix ou douze jours il ne sortira rien, et que là où il n’y a rien, la peur, même la plus ingénieuse, perd ses droits. Rien du côté du président, qui ne songe pas à un coup d’état ; rien du côté de l’assemblée, qui au fond ne croit pas aux coups d’état ; d’autres diraient peut-être et plus réellement : Rien du côté de l’assemblée, qui ne craint et ne réprouve que les coups d’état auxquels elle ne croit pas.

Oui, nous sommes optimistes ; mais entendons-nous bien : nous sommes optimistes quant à l’heure qu’il est, et nous ne croyons ni à César, ni à Catilina, ni à Cicéron. Pourtant nous sommes pessimistes en général, car nous croyons que la situation du pays, telle qu’elle résulte de la constitution de 1848, est détestable et inacceptable. Nous tenons en ce moment une gageure hardie, celle de gouverner avec des institutions qui semblent avoir été créées pour rendre tout gouvernement impossible. Jusqu’ici nous tenons galamment la gageure, et je prétends que nous sommes des héros, puisque nous avons eu jusqu’ici l’audace et le talent de ne pas mourir. Cependant il ne faut pas nous faire illusion : nous perdrons notre pari, car il n’est pas gagnable. On voit bien que nous ne sommes pas optimistes, ou plutôt notre optimisme porte tout entier sur l’heure présente ; ce n’est pas encore aujourd’hui que nous périrons : Nous ne voulons pas dire autre chose.

Ce qui nous fait croire que l’heure actuelle n’est pas aussi pleine de dangers qu’on le suppose, c’est la division profonde de nos ennemis, c’est la nature un peu factice de l’agitation où sont nos amis, c’est enfin l’ensemble de la conduite du président.