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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/713

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Murphy. Dans les premiers jours qui suivirent la formation du camp, ces sauvages s’approchaient la nuit, à pas de loup, et furetaient autour des tentes. Bientôt après, ils ont montré plus de confiance, et sont arrivés de jour en assez grand nombre ; maintenant ils lèvent leurs camps et les rapprochent de Murphy. Ces naturels, un peu voleurs, mais assez inoffensifs en apparence, sont curieux de tous les objets qu’ils découvrent dans les tentes, et dont l’usage leur est inconnu. Ils achètent volontiers, mais ils paient difficilement, surtout il est imprudent de les laisser partir sans qu’ils aient donné le prix convenu. Cette probité patriarcale dont parlent les philosophes, si elle a jadis existé quelque part, est inconnue parmi les races autochthones de la Californie.

La familiarité de ces sauvages augmentant avec l’habitude, et les Français de Murphy, fidèles au caractère facile de leur nation, les admettant volontiers dans les tentes, où d’ailleurs les Indiens entrent sans façon, un grand nombre d’entre eux passent la journée à rôder parmi nous, regardant, cherchant, riant et s’étonnant de tout. Ils sont généralement gras et mal faits, avec le nez retroussé, une forêt de cheveux noirs, raides et pendans, la peau cuivrée, de belles dents, l’air doux, les sourcils droits et minces. Ils parlent un langage incompréhensible, ce qui force les vendeurs et les acheteurs à s’entendre par signes. Leur arc et leurs flèches ne les quittent jamais. L’arc est fait d’un nerf de bœuf adroitement ajusté à une pièce de bois ; les flèches, que renferme une peau de couyotte (espèce de loup) taillée en forme de carquois, sont armées de pointes en pierre dure. Bien que ces Indiens aient la physionomie fort douce, leur réputation n’est pas excellente, et personne ne se hasarde dans leurs camps. Les hommes comme les femmes ont toujours le plus vif désir de s’habiller à la mode des étrangers qui sont devenus leurs voisins par la grace de l’or ; mais une partie du vêtement suffit à leur vanité. Celui-là adopte le pantalon, un autre choisit l’habit ou la blouse ; quelques-uns portent pour tout costume des bottes et un énorme chapeau à la façon des fonctionnaires de l’empereur Soulouque ; le caleçon est fort en vogue parmi ces indigènes. Quant aux femmes, elles achètent assez fréquemment des jupons sur leurs économies ; mais, bien loin de les nouer autour de leur taille, elles les jettent comme un plaid sur les épaules. Tous ces Indiens n’ont pas tardé à connaître le prix de l’or, et ce métal, qu’ils dédaignaient au moment de la découverte, ils le recherchent avidement aujourd’hui. Leur rapacité est même extrême, et ils se récrient aussitôt qu’on leur demande la valeur réelle des objets qu’ils désirent avoir en leur possession. Les marchands américains et français n’ont pas hésité à tourner la difficulté ; ils ont bravement offert leurs comestibles ou leurs vêtemens