Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/842

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire pour raffermir les esprits ébranlés ? S’attacher de plus en plus au principe de Descartes et en développer largement les conséquences. C’est à quoi M. Javary s’est appliqué ; c’est au nom de la conscience interrogée par une analyse profonde qu’il a combattu avec force le fatal scepticisme de Kant, et substitué à cette doctrine négative un dogmatisme tempéré, ne visant qu’à l’essentiel, sobre et discret, mais d’une pureté, d’une élévation et d’une solidité incontestables.

L’ouvrage de M. Henri Martin aboutit à un résultat semblable, mais avec des différences qui s’expliquent par les desseins particuliers de l’auteur. Les amis de la science n’apprendront pas sans un vif intérêt que M. Henri Martin a conçu la pensée d’attacher son nom à un ouvrage qui, pour atteindre toutes les conditions d’une exécution parfaite, demanderait la patience d’un bénédictin, les connaissances précises d’un savant universel et la largeur de vues d’un philosophe : je veux parler d’une histoire des sciences physiques dans l’antiquité. Montucla et Bailly, qui n’avaient entrepris que l’histoire de l’astronomie, succombèrent sous ce fardeau. Pour le porter plus dignement. Delambre n’eut pas trop de son exact et méthodique génie. M. Henri Martin a osé aborder une tâche beaucoup plus vaste, mais il s’y est voué avec une résolution si intrépide et une si rare constance, qu’il donne l’espoir d’un heureux succès aux plus défians. On peut dire que M. Henri Martin n’a eu depuis vingt ans qu’un souci, celui de s’élever à la hauteur de son entreprise de prédilection, et certes, dans ce temps de production hâtive, de forces misérablement disséminées, une vie consacrée tout entière à la méditation lente, austère, soutenue, d’une œuvre grande et utile, est un exemple qu’on ne saurait trop honorer.

M. Henri Martin a débuté dans la carrière en se faisant l’éditeur et le traducteur d’un dialogue célèbre, où Platon a déposé toutes les idées de son temps et ses propres découvertes sur les phénomènes de la nature. Éclaircir le texte du Timée par de savans commentaires, comprendre toutes les indications historiques et les féconder à l’aide d’une critique sévère et pénétrante, interpréter en un mot et juger la science antique avec toutes les ressources de la science moderne, c’était, pour M. Henri Martin, écrire d’avance plusieurs des chapitres les plus difficiles et les plus curieux de sa grande histoire. Ces premières études le conduisirent à un autre travail, qui lui a fait le plus grand honneur dans le monde savant : c’est la publication du manuscrit inédit d’un Traité d’astronomie de Théon de Smyrne, philosophe platonicien[1]. Il est aisé de mesurer l’importance d’une telle découverte. Imaginez

  1. Theonis Smyrnoei Platonici liber de astronomia, cum Sereni fragmento. Textum primus edifdit Th.-H. Martin. Parisiis, e Reipublicoe typographico, 1849.