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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/857

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mains et les marquer de son empreinte. Il reste maintenant à tirer une conclusion générale. L’idée dominante du livre, celle qui anime toute cette austère science de faits et qui sert de fil conducteur dans ce labyrinthe aux mille replis, c’est que les religions de l’antiquité sont profondément symboliques. Derrière chaque mythe, il y a une idée, et ces idées qui jaillissent spontanément de la conscience des peuples, en face des puissances de la nature et, de l’infini, qui partout s’y fait sentir, — ces idées, avec les formes sublimes ou gracieuses dont l’imagination les enveloppe, constituent un système, un ensemble organique, un poème vivant, plein de richesse et d’unité. Certes, cette vue est solide et vraie ; mais que n’a-t-on pas fait pour en dégoûter les esprits droits ! Quel abus des mythes ! quelles transformations étranges de personnages réels en idées pures ! quelle évaporation universelle des choses réelles tout à coup devenues des abstractions creuses ; des bulles légères et brillantes, qui se dissolvent au premier souffle du vent ! . C’est au pays qui a porté Fréret, Daunou, Letronne, qu’il appartient à faire justice des écarts d’imagination, des fantaisies idéalistes de nos voisins. Recueillir le sens profond des religions, qui avait échappé à la critique passionnée et mesquine du siècle passé, et concilier cette haute exégèse avec les témoignages précis de l’histoire interrogée par une critique sensée, voilà le problème. Nous avons la ferme espérance que M. Guigniaut, pour sa part, le résoudra[1].

Rassemblez maintenant par la pensée tous ces travaux sur le monde oriental et le monde grec et latin, joignez-y tous ceux qui s’accumulent sur le christianisme[2] embrassez ensemble cette histoire générale des religions et cette histoire générale des systèmes philosophiques, et vous verrez se dessiner les grandes lignes d’une œuvre de résurrection universelle du passé, œuvre immense, encore incomplète, mais qui se poursuit chaque jour, et qui restera comme le monument original et le caractère propre du XIXe siècle. Ce sera aussi le principal titre d’honneur de la nouvelle école spiritualiste d’avoir porté sa pierre à ce magnifique édifice et fait circuler dans toutes ses parties la pure lumière d’un spiritualisme compréhensif et impartial.

Si nous avons réussi à caractériser exactement les trois écoles qui ont tour à tour passé sous nos yeux, il ressort de cette étude impartiale une conclusion très simple.

  1. Le volume des Religions de l’antiquité qui vient de paraître, et auquel ont coopéré, avec M. Guigniaud, deux savans très habiles, MM. A. Maury et E. Vinet, est le neuvième des dix volumes dont l’ouvrage entier doit se composer. Le volume dixième et dernier est sous presse.
  2. Nous citerons en particulier l’ouvrage excellent qu’un savant genevois, M. Chastel, vient de publier : Histoire de la destruction du paganisme en Orient, 1850, Paris, chez Cherbuliez, Place de l’Oratoire, 6.