l’administrateur. L’un des principaux buts de la charte de Gulhané fut, on le sait, de transformer la vieille administration turque et d’en créer une nouvelle, dans laquelle l’expérience acquise par les nations modernes s’accorda avec le génie particulier des peuples de l’orient. Ce but ne laissait pas d’être difficile à atteindre, l’on en conviendra, si l’on se rappelle quels étaient alors l’épuisement de l’état, l’ignorance de la plupart des fonctionnaires, le mauvais vouloir de la majorité des pachas qui se sentaient menacés dans leur indépendance. La réforme est encore loin d’être achevée. Il était dans la nature des choses qu’elle marchât lentement ; elle a du moins marché d’année en année, les Turcs libéraux aiment à le dire, et on leur doit la justice de le reconnaître avec eux. La charte de Gulhané date de 1839, et, dès 1844, l’œuvre de centralisation commencée par cette charte portait ses premiers fruits. L’armée et la flotte avaient reçu une organisation régulière ; les postes aux lettres fonctionnaient sur les grandes voies de communication ; les lignes de bateaux à vapeur commençaient à relier entre elles les diverses parties de l’empire ; d’heureux résultats venaient sanctionner la mise en vigueur du nouveau système adopté pour les quarantaines ; l’école de médecine de Galata-Séraï, les écoles militaires donnaient des promesses qu’elles ont tenues depuis ; enfin les mœurs s’étaient sensiblement empreintes des pensées de conciliation qui animaient le gouvernement. Prodigieusement irrités naguère contre les chrétiens par la croisade de 1827, tentée au nom du christianisme, les esprits avaient d’abord paru rebelles aux sentimens de tolérance que le gouvernement eût voulu leur inspirer ; mais ils avaient fini par se rendre aux conseils d’une politique attentive à ménager tous les cultes. On avait renoncé à frapper de la peine capitale ceux qui abandonnaient l’islamisme pour embrasser une autre foi ; les exactions et l’arbitraire auparavant exercés sur les chrétiens avaient cessé peu à peu dans les provinces voisines de Constantinople ; enfin, sans renoncer à leur condition de race gouvernante, les Turcs avaient admis les chrétiens à partager avec eux un certain nombre de fonctions publiques, semblables en ce point aux aristocraties qui savent ouvrir leurs rangs au mérite.
Il est heureux que le gouvernement turc trouve ainsi un encouragement dans ta réussite de ce qu’il a lui-même entrepris. S’il a beaucoup fait, il ne lui reste pas moins à faire, et si l’on n’avait confiance dans les intentions et l’énergie des hommes qui le dirigent aujourd’hui, on serait justement inquiet de voir combien de questions graves attendent encore une solution. Les réformes générales restent stériles quand des réformes de détail ne viennent pas les compléter, et dans cette nouvelle voie c’est le système financier qui doit préoccuper le gouvernement turc en première ligne. Les finances, a-t-on dit, sont le nerf de la guerre, elles sont au même titre celui de la paix. Il ne saurait y avoir de justice là où il n’y a pas d’impôt régulièrement établi ; il n’y a pas de moyens d’action là où il n’y a pas d’impôt abondant. La puissance, la prospérité d’un état dépendent sinon exclusivement, au moins principalement des lois de finances, et rien de plus.imparfait que l’organisation des finances dans l’empire ottoman. Ce n’est pas que les vices de cette législation tiennent à de fausses conceptions, à des théories erronées sur les principes du revenu et sur les conditions de la circulation et du crédit ; non, et l’on pourrait dire à l’avantage de la Turquie qu’il n’y a point dans ses lois de vices systématiques ;