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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/991

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il se vendait chaque semaine 150,000 numéros de journaux non timbrés, et dans ce nombre entraient 25,000 numéros du Tuteur du pauvre (Poor man’s Guardian), rédigé par un nommé Hetherington avec une violence et une ardeur démagogiques que n’eussent pas répudiées nos montagnards les plus furibonds. La loi de 1836, en réduisant à un penny le timbre sur les journaux, fit disparaître momentanément cette industrie coupable, qui s’est relevée de plus belle. Il est difficile de n’avoir pas ouï parler de la motion de M. Milner Gibson, qui s’est discutée à la chambre des communes au commencement de la session actuelle. M. Milner Gibson, un radical, demandait la suppression de la taxe sur le papier, afin de permettre à la presse loyale et sérieuse de faire une concurrence efficace à la nuée des feuilles à un et à deux sous qu’on répand dans les ateliers et dans les campagnes, et qui contiennent de perpétuelles excitations à la révolte, à la guerre civile, à l’incendie et l’assassinat. Les citations faites de quelques-unes de ces feuilles par M. Milner Gibson, effrayé de ce débordement de passions subversives, auraient appris à M. Ledru-Rollin qu’il est en Angleterre, à côté des journaux qu’il stigmatise, une presse démagogique qui peut soutenir le parallèle avec ce que nous avons vu de plus forcené après la révolution de février. Malheureusement pour l’Angleterre, l’écrivain montagnard s’est affligé à tort quand il a déploré l’absence, chez nos voisins, de journaux révolutionnaires : il faut qu’il n’ait jamais rencontré l’Esprit du temps (Spirit of the age), recueil hebdomadaire qui prêche le fouriérisme dans toute sa pureté, et nous nous demandons par quelle ingratitude il a pu oublier le journal des chartistes, l’Étoile du Nord (Northern Star)’, qui l’a si souvent comblé d’éloges jusqu’à troubler sa modestie.

Il y a presque autant d’erreurs que de mots dans les pages que M. Ledru-Rollin consacre au jury et au droit de réunion. Il est à regretter que l’auteur, intervertissant ses travaux, n’ait pas commencé par l’ouvrage qu’il annonce sur la loi anglaise ; grace à cette étude préliminaire, il aurait pu mettre dans le livre de la Décadence autant de socialisme et plus d’exactitude. Il conclut que ni la presse, ni le jury ; ni le droit de réunion n’existent pour le peuple ; cependant il pouvait lire dernièrement dans une feuille anglaise le compte-rendu de trois meetings qui s’étaient tenus le même jour. À York, des lords, des membres des communes, des fermiers, des laboureurs, avaient discuté l’appui à donner à une ligue de la laine destinée à favoriser une des branches de l’agriculture nationale et à combattre l’influence des lois du coton. À Newcastle, des banquiers, des négocians, des marchands, après avoir constaté la perturbation apportée dans les relations commerciales par la suppression de la poste le dimanche, avaient résolu de réclamer le retrait de cette mesure. Dans le comté de Lancastre,