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bien que secondaire, n’en détruit pas l’autorité. Or, est-il probable que le Jupiter, le Laocoon, l’Apollon, soumis aux lois de la phrénologie, garderaient la simplicité, l’unité, l’harmonie qui les recommandent ? Pour ma part, j’en doute, et je crois que mon avis sera partagé par tous ceux qui auront pris la peine d’étudier ces trois figures.

Assurément la tête de Larrey, dans l’œuvre de M. David, est d’un beau caractère. Cependant elle serait plus belle encore, si l’auteur se fût borné à reproduire fidèlement ce qu’il avait vu, en négligeant toute imitation servile. Le désir d’ajouter à la réalité qu’il avait observée les renseignemens que la phrénologie lui fournissait sur le caractère et les facultés de son modèle a multiplié les détails dans le masque de Larrey, et l’œuvre, en raison même de cette complication, a perdu une partie de sa grandeur. Livré à lui-même, M. David nous eût donné l’image vivante de Larrey ; livré aux conseils de la phrénologie, il a troublé l’harmonie et la simplicité de son œuvre. L’ambition d’effacer tous ses devanciers et d’introduire dans l’art toute une science nouvelle n’a pas permis à son talent de se déployer avec la liberté, la spontanéité qui seules donnent la vie au travail de l’ébauchoir ou du pinceau.

M. David a-t-il eu raison de reproduire littéralement le costume de son modèle ? A mon avis, cette question est résolue depuis long-temps, et ne doit plus être posée. Quoiqu’il soit nécessaire, dans la composition d’une statue, de faire appel à l’idéal, d’agrandir, d’interpréter plusieurs points de la réalité, je ne conseillerai jamais à personne, peintre ou statuaire, de substituer au costume historique un costume de convention. Il faut que le modèle soit vêtu dans l’œuvre du statuaire comme il était vêtu ; il faut que le costume donne la date du sujet. Cette obligation une fois acceptée, il n’est pas défendu de modifier, d’assouplir tout ce qui pourrait donner à l’ensemble de la figure de la sécheresse ou de la maigreur. M. David connaît depuis longtemps cette partie délicate de sa tâche, et la remplit à merveille. Le costume que nous portons prend sous son ébauchoir une ampleur, une souplesse, une grace à laquelle nos yeux ne sont pas habitués. L’étoffe enveloppe le corps et le dessine ; les plis naissent du mouvement de la figure. M. David sait mieux que personne triompher de toutes les difficultés qui peuvent se présenter dans l’exécution du costume moderne. À cet égard, il a fait ses preuves, et la statue de Larrey ne laisse rien à désirer sous ce rapport. Depuis les bottes jusqu’au manteau, tous les détails sont traités avec une hardiesse, une habileté qui sans doute seront difficilement surpassées. Le manteau, rejeté sur l’épaule, accuse nettement la forme de la poitrine et des hanches. Certes, j’aime bien mieux Larrey ainsi vêtu qu’affublé d’un costume romain. Que la toge eût donné des plis plus riches, plus abondans,