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malgré la coquetterie fastueuse de son style, Parini occupe une place considérable dans la littérature italienne, et les poètes qui se proposent la satire ne sauraient l’étudier avec trop de soin. Il n’est pas difficile en effet, pour un esprit exercé, de marquer la limite où finit l’usage légitime, où commence l’abus de la périphrase et du style figuré. Quant aux allusions ; mythologiques, pour les pardonner à Parini, il suffit de se rappeler qu’il achevait son poème neuf ans avant la mort de Voltaire. En Italie comme en France, les poètes, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, ne se croyaient pas encore dispensés de placer leur fantaisie sous la protection des dieux de l’Olympe. Ce qu’il faut louer dans Parini, ce qui assure la durée de son nom, c’est la concentration de sa pensée, qui demeure évidente malgré sa prédilection pour la périphrase. Si la forme n’est pas concise, la pensée n’est jamais indécise et flottante. La profusion des ciselures n’entame pas la solidité du métal.

Qu’il y a loin de Parini à Giusti ! Le satirique lombard ne livre sa pensée qu’après avoir long-temps cherché l’image qui doit lui servir de vêtement ; le satirique toscan, plein de confiance en lui-même, s’abandonne presque toujours à l’improvisation. Il ne semble pas apercevoir la limite qui sépare la vulgarité de la familiarité. La première parole qui se présente, pourvu qu’elle s’accorde avec le rhythme ou fournisse la rime, est à ses yeux une parole poétique. Aussi ne faut-il pas s’étonner que les poésies de Giusti aient déjà perdu une partie de leur crédit. Cependant ce n’est pas à des causes purement littéraires qu’il faut attribuer l’amoindrissement de sa popularité. Les dernières années de sa vie expliqueraient, aussi bien que le style trop souvent prosaïque de ses poésies, pourquoi Florence prononce son nom aujourd’hui avec moins d’empressement et d’admiration. Giusti, qui pendant plus de quinze ans avait défendu avec ardeur les principes démocratiques, s’était bien attiédi vers la fin de sa vie, quoiqu’il soit mort à quarante ans. Ramené à la foi catholique par les conseils d’un poète illustre, pour ne pas renier son passé, il s’était réfugié dans le silence.

Nommé député en 1848 par Pescia, sa ville natale, il n’a joué aucun rôle dans le parlement toscan. Il assistait aux événemens sans rien faire pour les hâter ou pour les ralentir. Témoin muet, on eût dit qu’il s’étonnait de tout ce qui se passait devant lui. Il n’est pas douteux que ce silence obstiné n’ait entamé sa popularité. Il n’a pas été accusé d’apostasie, puisqu’il n’a pas ouvert la bouche pour combattre la foi politique de sa jeunesse et de son âge mûr ; mais son attitude passive ne pouvait être interprétée à sa louange ni par ses admirateurs de la veille, ni par ses nouveaux amis. Il ne se prononçait ni pour l’autorité, ni pour la liberté ; il n’essayait pas de les concilie il attendait. Or, dans les assemblées politiques, ceux qui attendent et se taisent sont estimés à