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travail, ni ouvrir à la consommation les débouchés qui lui manquent. Prenant son point d’appui dans les facultés de production que déploient les populations façonnées de longue main à la liberté représentative, le crédit a pu servir à défricher le Nouveau-Monde et à transformer l’ancien ; mais on aurait tort d’imaginer que, sur une terre récemment et soudainement dégagée de la servitude, de pareils miracles vont se renouveler, et que l’on relèvera de ses ruines la prospérité de nos colonies sans autre levier que le papier de banque. Voilà pourtant le rôle en quelque sorte providentiel que le gouvernement semble réserver aux banques coloniales, tant est vaste et ambitieux le cadre qu’il leur permet d’embrasser. Le préambule, j’en conviens, affecte des apparences modestes. Point de statuts pour les banques qu’il s’agit de fonder ; le projet de loi n’en parle même que par forme de prétérition, et s’en remet presque entièrement à l’arbitraire ministériel du soin d’établir des règles sur lesquelles l’assemblée n’exercera par conséquent aucun contrôle. M. le ministre des finances se borne à demander l’autorisation d’émettre 320,000 fr. de rentes, qui doivent servir de capital aux banques de prêt et d’escompte à instituer dans les colonies.

Les principes sur lesquels reposeront ces établissements, en admettant que l’assemblée nationale y souscrive, peuvent s’induire de divers articles du projet l’on apprend ainsi que les banques coloniales ne se borneront pas à prêter sur billets de commerce, ni sur matières d’or et d’argent ou sur effets publics, mais qu’elles étendront encore leurs opérations aux prêts sur récoltes. Cela ressort des articles 4 et 5, dont l’un transforme les entrepôts de douanes en magasins publics pour les marchandises affectées à des nantissemens, et dont l’autre charge les receveurs de l’enregistrement de tenir un registre public pour la transcription des actes d’engagement ou d’aliénation des récoltes pendantes. L’article 2 du projet, qui règle l’émission de la monnaie fiduciaire dans les colonies, est conçu en termes plus directs et plus impératifs. Le principe de l’unité de la circulation en fait la base. « Chacune de ces banques, dit le texte, est autorisée, à l’exclusion de tous autres établissemens, à émettre dans chacune des colonies où elle est instituée, des billets de 500, de 100, de 20 et de 5 francs. Ces billets seront remboursables à vue au siége des établissemens des banques. Ils seront reçus comme monnaie légale, dans l’étendue de chaque colonie, par les caisses publiques ainsi que par les particuliers. Leur quotité en circulation ne peut jamais excéder le double de l’encaisse métallique appartenant à la banque. »

On voit que les combinaisons proposées par les deux ministres, tout en rendant hommage quelques-uns des principes que l’expérience a consacrés en cette matière, reproduisent aussi les désastreuses erreurs