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Le prince Puckler-Muskau, dans ses lettres sur l’Égypte, raconte, à propos d’une figurine de bronze bariolée selon l’usage de caractères hiéroglyphiques, une assez amusante anecdote qui nous revenait en mémoire à la première représentation de l’Enfant prodigue. Lorsque Champollion arriva en Égypte, dit le touriste de high life, la personne qui possédait cette figure à cette époque le pria de vouloir bien en déchiffrer les inscriptions, ce dont Champollion s’acquitta aussitôt et de la meilleure grace. Peu de temps après, la statuette passa en d’autres mains, et lorsque Champollion, après un long séjour en Nubie et dans la Haute-Égypte, revint au Caire, le nouveau possesseur de l’Isis mystique remit sous les yeux du savant cette image, entièrement oubliée par lui, réclamant une explication par écrit de la légende impénétrable. Champollion se rendit à cette seconde sollicitation avec son empressement accoutumé ; seulement cette fois le texte était tout autre, et ne s’accordait plus le moins du monde avec la première version qu’il en avait donnée. « On s’égaya beaucoup de l’aventure, ajoute le prince Puckler, mais à tort selon moi ; car lorsque Champollion arriva en Égypte, il n’était encore qu’un écolier, et comme tel pouvait se tromper, tandis que lorsqu’il s’en retourna, il était devenu maître. » A tout prendre, la justification ne contient rien que de très acceptable, et un esprit moins profondément sceptique que M. Scribe l’eût admise ; mais l’auteur de l’Enfant prodigue n’est pas de ces gens qui s’en tiennent à la lettre morte de l’histoire. Pour qu’un savant tel que Champollion, s’est dit l’auteur de l’Enfant prodigue, ait pu interpréter le même texte de deux manières différentes, il faut apparemment que ce texte prête aux contradictions. Dès qu’un hiéroglyphe se trouve avoir deux significations, rien ne l’empêche d’en avoir trois, et quatre, et cinq. Champollion a eu ses deux versions ; probablement que sur le même sujet M. Leipsius de Berlin a la sienne ; pourquoi donc, s’il vous plaît, n’aurions-nous pas, la nôtre ? Et sans tarder davantage, avec cette longue habitude des langues sémitiques,