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voie tracée par les Grecs, en s’écartant à son insu de principes qu’il ignorait, semble avoir pris à tâche de justifier sa hardiesse par la finesse et la précision des détails. Il n’y a pas en effet, parmi les bas-reliefs signés de son nom, une seule composition dont toutes les parties ne soient rendues avec la même perfection. Chez Ghiberti, rien n’est demeuré à l’état d’ébauche ; figures, plantes, terrains, tout est modelé d’une façon définitive. Si les plans, dans les conditions générales de la sculpture, sont trop nombreux, au moins faut-il reconnaître que l’inconvénient attaché au nombre des plans est singulièrement atténué par la précision constante de la forme. Si l’œil n’embrasse pas toujours du premier regard tous les détails du bas-relief, du moins le spectateur patient est sûr de n’en perdre aucun, grace à la persévérance avec laquelle l’auteur a rendu toutes les parties de son œuvre. L’admirateur le plus sincère peut regretter que Ghiberti n’ait pas apporté plus de sobriété dans l’invention : la pensée de l’auteur se montre à lui dans toute sa richesse, dans toute sa variété. On peut demeurer toute une journée devant les portes du baptistère, et s’éloigner avec la certitude que l’étude n’est pas épuisée. Le lendemain, en effet, on découvre, sinon de nouveaux épisodes, au moins des parties accessoires qui d’abord n’avaient pas frappé le regard, et, bien que cet appât offert à la curiosité détourne la pensée du véritable sujet de la composition, la curiosité ne fait jamais place à l’ennui, parce qu’elle trouve toujours à se contenter.

Ainsi je ne pense pas que l’autorité de Ghiberti justifie M. David. Si les portes du baptistère, comme les bas-reliefs destinés à nous retracer la vie de Larrey, s’éloignent de la tradition grecque par le nombre des plans, ils se séparent nettement de l’œuvre nouvelle par la précision de la forme. Est-il besoin d’ailleurs d’invoquer l’antiquité, la renaissance, pour estimer la valeur de ces bas-reliefs ? Est-il besoin d’appeler en témoignage Athènes et Florence pour déclarer qu’une ébauche ne peut être confondue avec une œuvre définitive ? Les quatre batailles placées devant nous, excellentes si l’on veut y voir une esquisse, un projet, appellent la sévérité dès qu’on veut y chercher une œuvre définitive.

À Dieu ne plaise que je conseille à M. David de renoncer brusquement à toutes ses habitudes, d’oublier l’énergie empreinte dans tous ses ouvrages, et de se proposer comme but constant, comme but unique, l’ordonnance, qui jusqu’ici ne l’a guère préoccupé ! Pour juger un homme, quel qu’il soit, avec équité, il faut commencer par se placer à son point de vue, et ne pas lui demander les facultés qu’il ne possède pas. Aussi me garderai-je bien, pour estimer le mérite de M. David, de consulter la tradition grecque ; ce serait faire fausse route et me condamner à l’injustice. M. David n’a rien de commun avec les