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« Ainsi, comme on le voit par les lettres patentes de l’édit de Louis XIV de mars 1661, enregistré au parlement le 10 mai de la même année, l’apanage de la maison d’Orléans n’a pas été constitué à titre gratuit, mais à titre successif, pour tenir lieu au chef de cette branche, alors mineur, de sa part héréditaire dans la succession du père commun. Cet apanage constituait la légitime de la branche d’Orléans ; il formait le prix de sa renonciation au profit de l’aîné (Louis XIV) aux domaines, terres et seigneuries, meubles et effets mobiliers échus par le trépas de feu leurdit seigneur et père. — Par là, le vœu de la nature avait été rempli, et la royauté avait acquitté ses obligations, comme le dirent plus tard les lettres patentes du 7 décembre 1766[1]. ». C’est en s’appuyant aussi sur la science de l’histoire et sur l’étude du contrat primitif que Casimir Périer disait à la tribune de la chambre des députés le 3 octobre 1831 : « Les biens apanagers sont ceux que Louis XIV avait constitués en faveur de son frère mineur pour lui tenir lieu de sa part héréditaire dans la succession du roi leur père. » La chambre, surprise par un amendement improvisé, se borna à voter un article qui statuait que des dotations seraient accordées aux princes et aux princesses de la famille royale en cas d’insuffisance du domaine privé[2].

L’expérience a prouvé que cette disposition législative contenait en germe les plus grands dangers pour la politique et les plus graves embarras pour les affaires privées du roi. Les mauvaises passions ne tardèrent pas à s’emparer de ce terrain, si bien préparé pour elles par la légèreté et la défiance parlementaires. C’est de ce moment surtout que datent les exagérations systématiques de la valeur du domaine privé, produites avec tant d’impudence et acceptées avec une si étrange crédulité. C’est alors aussi que commencèrent à se produire avec une odieuse opiniâtreté les accusations d’envois et de placemens de fonds à l’étranger. On disposait ainsi d’avance les esprits à accueillir avec défaveur toute demande de crédits pour l’exécution loyale de la loi du 2 mars 1832 ; on ébranlait la fermeté des ministères appelés à réclamer des chambres les dotations nécessaires à l’indépendance et à l’établissement des princes et des princesses de la famille royale ; enfin on parvenait à créer pour la liste civile et pour le domaine privé de nouvelles charges et de nouveaux embarras. Le tableau des passions, des fautes ou des faiblesses qui ont fait de la question des dotations princières l’une des plus funestes à la royauté de juillet n’entre pas dans notre cadre ; c’est dans l’exposé général de la politique intérieure des dix-huit années de règne du roi Louis-Philippe qu’une telle étude doit trouver sa place. Il faut toutefois signaler à l’opinion une vérité acquise

  1. Dupin, Traité des Apanages, troisième édition.
  2. Article 21, loi du 2 mars 1832.