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Tels sont les trois principes que la Suisse peut invoquer avec confiance comme les guides tutélaires de sa politique : ils représentent en quelque sorte et résument toutes les tendances du génie national. Cependant des idées toutes contraires prétendent, depuis la fin du dernier siècle, à diriger les destinées de la société helvétique. Au principe de neutralité, l’esprit révolutionnaire oppose le principe d’intervention et de guerre ; — au principe d’équilibre fédéral, il veut substituer le principe unitaire ; — enfin il combat le libéralisme conservateur au nom du radicalisme hégélien. C’est entre ces bonnes et ces funestes influences que la Suisse a été ballottée depuis nombre d’années ; c’est tantôt l’esprit national, tantôt l’esprit révolutionnaire qui prédominent. Heureusement la lutte semble, on va s’en convaincre, se décider peu à peu contre le radicalisme.


I. – PREMIERS ACTES DU DIRECTOIRE EN 1848. – RAPPORTS AVEC L’AUTRICHE ET LE PIEMONT. – LES REFUGIES ITALIENS ET ALLEMANDS EN SUISSE.

Appliqué aux questions extérieures, l’esprit révolutionnaire de quelques cantons n’a eu, depuis 1848, que de trop fréquentes occasions de déployer en Suisse sa triste activité. Néanmoins la victoire est toujours restée, dans ces questions si délicates et si graves, à l’esprit national, c’est-à-dire au principe de neutralité. Une des plus anciennes conséquences de ce principe est, comme on sait, le droit d’asile. C’est sur l’interprétation de ce droit que de vifs débats se sont souvent engagés depuis trois ans entre le parti radical et ses adversaires de toutes les nuances. En quoi consiste le droit d’asile, et quelles limites rencontre-t-il dans les traditions helvétiques comme dans le droit public européen ? C’est ce qu’il faut préciser d’abord.

La Suisse s’est depuis long-temps accoutumée à exercer l’hospitalité envers les exilés, les proscrits politiques des divers pays. Toutefois cette hospitalité a pour condition absolue que ceux qui l’implorent s’en montrent dignes, et qu’ils abdiquent, en touchant le territoire suisse, tout projet d’agitation. L’exercice libéral du droit d’asile a ainsi pour complément nécessaire une sévérité rigoureuse en cas d’abus, et c’est avec une infatigable sollicitude que la Suisse doit se prémunir contre l’influence des étrangers qui prétendraient s’immiscer trop directement dans ses propres affaires.

Les révolutions qui, au commencement de l’année 1848, éclatèrent autour de la Suisse ne pouvaient manquer de soulever pour son gouvernement plusieurs questions très délicates de neutralité. Son premier pas dans la voie périlleuse qui s’ouvrait devant elle fut heureux. À peine la révolution française fut-elle connue à Berne, que le conseil exécutif de ce canton, qui, chargé des fonctions de directoire fédéral,