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principales de l’ascension et de l’équilibre des nuages, pourrait aussi jouer un rôle dans l’ascension de leur appareil : ils cherchèrent donc à composer un gaz affectant des propriétés électriques. Ils pensèrent obtenir un gaz de cette nature en faisant un mélange d’une vapeur à propriétés alcalines avec une autre vapeur qui serait dépourvue de ces propriétés. Pour former un tel mélange, ils firent brûler ensemble de la paille légèrement mouillée et de la laine hachée, matière animale qui donne naissance, en brûlant, à des gaz qui offrent une réaction alcaline. Ils reconnurent que la combustion de ces deux corps au-dessous d’une enveloppe de toile ou de papier fermée de toutes parts et bien résistante provoquait l’ascension rapide du petit appareil[1].

L’idée théorique qui amena les Montgolfier à la découverte des ballons ne supporte pas l’examen. C’est une de ces conceptions vagues et mal raisonnées, comme on en trouve tant à cette époque de renouvellement pour les sciences modernes. L’ascension des montgolfières s’ex liquait tout simplement par la dilatation de l’air échauffé, qui devient ainsi plus léger que l’air environnant, et tend dès-lors à s’élever jusqu’à ce qu’il rencontre des couches d’une densité égale à la sienne. La fumée abondante produite par la combustion de la laine et de la paille mouillée ne faisait qu’augmenter le poids de l’air chaud, sans amener aucun des avantages sur lesquels les inventeurs avaient compté. De Saussure le prouva parfaitement l’année suivante, lorsque, pour terminer la discussion élevée à ce sujet entre les physiciens, il prit un petit ballon de papier ouvert à sa partie inférieure, et introduisit avec précaution dans son intérieur un fer à sonder rougi à blanc. La petite machine se gonfla à vue d’œil, quitta les mains de l’opérateur e s’éleva au plafond de l’appartement. Il fut bien démontré dès-lors que la raréfaction de l’air par la chaleur était la seule cause du phénomène et l’on cessa de donner le nom fort impropre de gaz montgolfier au mélange gazeux qui déterminait l’ascension.

Encouragés par le résultat de cette première expérience, les frère Montgolfier construisirent un appareil plus grand, qui pouvait contenir vingt mètres cubes d’air. Ce nouvel essai réussit parfaitement, car la machine s’éleva avec tant de force qu’elle brisa les cordes qui la retenaient et alla tomber sur les coteaux voisins, après avoir atteint une hauteur de trois cents mètres. Certains alors du succès, ils s’appliquèrent

  1. Ce n’est pas à Annonay, mais à Avignon, que se fit le premier essai d’un petit appareil fondé sur les principes que les frères Montgolfier avaient arrêtés entre eux. AI mois de novembre 1782, Étienne Montgolfier, que ses affaires avaient conduit dans la ville des papes, construisit un petit parallélépipède creux en soie, d’une capacité très petite puisqu’il contenait seulement deux mètres cubes d’air, et il vit avec une joie facile à comprendre ce petit ballon s’élever au plafond de sa chambre. De retour à Annonay, il s’empressa de répéter l’expérience avec son frère. Ils opérèrent en plein air avec ce même appareil, qui s’éleva devant eux à une grande hauteur.