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se livrer à des observations de ce genre à cause des violentes oscillations et du balancement continuel que le vent imprime à la machine. Une seconde difficulté plus grave encore, c’était de maintenir le ballon en équilibre à la même hauteur ; des rafales de vent, parties des régions supérieures, le rabattaient souvent vers la terre. Aucun moyen efficace ne put être opposé à cette action fâcheuse, qui fut plus tard l’obstacle le plus sérieux à la pratique de l’aérostation militaire.

Peu de jours après, Coutelle reçut du gouvernement l’ordre d’organiser une compagnie d’aérostiers, composée de trente hommes, y compris le capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant et des sous-officiers. On lui remit le brevet de capitaine commandant des aérostiers dans l’arme de l’artillerie, et il fut attaché à l’état-major général. Il reçut en même temps l’ordre de se rendre dans le plus bref délai à Maubeuge, où l’armée venait de rentrer. Il dirigea sur cette place les soldats qui devaient former sa compagnie, et partit aussitôt, emmenant avec lui son lieutenant. Arrivé à Maubeuge, son premier soin fut de chercher un emplacement, de construire son fourneau pour la préparation du gaz, de faire les provisions de combustible nécessaire, et de tout disposer en attendant l’arrivée de l’aérostat et des équipages qu’il avait expédiés de Meudon. Les différens corps de l’armée ne savaient trop de quel œil regarder les soldats de la compagnie de Coutelle, qui n’étaient pas encore portés sur l’état militaire, et dont le service ne leur était pas connu. On murmurait sur leur passage quelques propos désobligeans. Coutelle s’aperçut de cette impression. Il alla trouver le général qui commandait à Maubeuge, et lui demanda d’emmener sa compagnie à la première attaque hors de la place. Une sortie était précisément ordonnée pour le lendemain contre les Autrichiens, retranchés à une portée de canon. La petite troupe de Coutelle fut employée à cette attaque. Deux hommes furent grièvement blessés ; le sous-lieutenant reçut une balle morte dans la poitrine. Ils rentrèrent dans la place au rang des soldats de l’armée.

Peu de jours après, les équipages étant arrivés, Coutelle put mettre le feu à son fourneau et procéder à la préparation du gaz. C’était un spectacle étrange que ces opérations chimiques exécutées à ciel ouvert, au milieu d’un camp, au sein d’une ville assiégée, dans un cercle de quatre-vingt mille soldats. Tout fut bientôt préparé, et l’on put se livrer à la reconnaissance des forces et des dispositions de l’ennemi. Alors, deux fois par jour, par l’ordre de Jourdan et quelquefois avec le général lui-même, Coutelle s’élevait pour observer les travaux des assiégeans, leurs positions, leurs mouvemens et leurs forces. La manœuvre de l’aérostat s’exécutait en silence, et la correspondance avec les hommes qui retenaient les cordes se faisait au moyen de petits drapeaux blancs, rouges ou jaunes, de dix-huit pouces de largeur et