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que par la force des armes françaises. La malheureuse Suisse était tourmentée de convulsions incessantes ; ce triste état se prolongea jusqu’en 1802. Alors Bonaparte, comme premier consul de la république française, entreprit la médiation de la Suisse : cette médiation fut une des grandes œuvres de son génie. Le même homme qui maintenait en France le système unitaire reconnut et respecta le caractère fédéral de la Suisse, et c’est le principe du fédéralisme qu’il donna pour base à l’acte de médiation du 19 février 1803, tout en tenant compte des besoins, des intérêts communs qui s’étaient révélés en Suisse depuis l’invasion française.

L’acte de médiation rétablissait les constitutions cantonales, et il adjoignait au corps helvétique de nouveaux cantons formés des contrées qui autrefois étaient des pays sujets. Tout le système administratif des divers membres de la confédération était en même temps rétabli ; quant à la confédération elle-même, l’acte réglait le contingent de troupes et d’argent que les cantons lui devaient pour défendre sa liberté et son indépendance. Il ne devait plus y avoir en Suisse ni pays sujets, ni privilèges de localité, de naissance ou de famille. La libre circulation des denrées, bestiaux et marchandises était garantie ; aucun droit d’octroi, d’entrée, de transit ou de douane ne pouvait être établi à l’intérieur de la Suisse. Les monnaies fabriquées dans le pays devaient avoir un titre uniforme déterminé par la diète. Toute alliance d’un canton avec un autre canton ou avec une puissance étrangère était interdite. Le gouvernement ou le corps législatif qui violait un décret de la diète pouvait être traduit comme rebelle devant un tribunal composé des présidens des tribunaux criminels de tous les autres cantons. Les gouvernemens cantonaux jouissaient de tous les pouvoirs qui n’avaient pas été expressément délégués à l’autorité fédérale : c’était là sanctionner formellement le principe fédératif. La direction de la confédération était confiée alternativement, d’année en année, à six cantons, dont les capitales étaient particulièrement propres à recevoir la diète : Fribourg, Berne, Soleure, Bâle, Zurich, Lucerne. L’avoyer ou le bourgmestre du canton-directeur joignait à son titre celui de landamman de la Suisse : il avait la garde du sceau de la république helvétique, était chargé des relations diplomatiques, ouvrait les sessions de la diète. En cas de révolte dans un canton ou de toute autre éventualité pressante, il pouvait lever des troupes et les mettre en marche, mais seulement sur la demande du grand ou du petit conseil du canton qui réclamait du secours. La diète était redevenue l’organe principal de la confédération. Chaque canton y envoyait sa députation, chargée d’instructions et de pouvoirs limités. Les dix-neuf députés qui la composaient formaient vingt-cinq voix dans les délibérations : les députes des cantons dont les populations étaient de plus de cent mille habitans,