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enfans aux frais du trésor, et qui pensionne les ouvriers hors de service. Le socialisme ne s’élèvera plus contre le trop grand nombre des fonctionnaires, après avoir déroulé à nos eux ce plan de monopole qui enrégimente et qui élève à la dignité de serviteurs de l’état tous les employés des chemins de fer et des banques, comme tous les ouvriers des salines, des houillères et des usines à fer, une seconde armée aussi nombreuse pour le moins que celle qui remplit les cadres de l’infanterie, de la cavalerie et de l’artillerie. Enfin, le socialisme ne fera plus la guerre à l’impôt, lui qui, au lieu de le supprimer, comme il s’en était vanté, n’en change la forme et le nom que pour en étendre le domaine.

Voilà le service que nous a rendu M. Pelletier ; voilà ce qui restera des manifestes de la montagne. À l’avenir, aucun démagogue ne pourra séduire les ouvriers, ni tromper les paysans, en leur racontant que Napoléon, qui ne connaissait que les besoins de la guerre, a dit en 1806, au conseil d’état, qu’un budget de 600 millions devait suffire en temps de paix à la France, ou que M. Mathieu de la Drôme, préludant à sa circulaire électorale, a déclaré, sans être contredit, devant l’assemblée constituante, que le budget des dépenses devait se renfermer dans les limites d’un milliard ; car M. Mathieu de la Drôme, un an plus tard, a été réfuté, sur ce point, avec un grand luxe de chiffres, par M. Pelletier, et n’a pas cherché à lui répondre.

Ainsi, le socialisme travaille pour nous ; il se charge de projeter sur le tableau de notre situation, l’ombre qui en fait ressortir la lumière. L’attachement à l’ordre s’est relevé et fortifié en France après les terribles épreuves de février et de juin 1848 ; les orgies de l’incrédulité ont favorisé la réaction religieuse ; on donne des chances au despotisme en attaquant ou en chicanant le pouvoir. Le socialisme enfin ne pouvait rien inventer de mieux que la publication de son budget, pour réhabiliter l’administration et pour rendre l’impôt populaire.


LÉON FAUCHER.