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gnale, de là ce ferme accent de vérité, mérite original assurément au milieu de l’hypocrisie universelle.

M. de Zedlitz a recueilli ses vers dans deux petits volumes qu’il a intitulés le Livre des Soldats. Le premier est consacré à l’armée d’Italie, le second aux adversaires des Magyars. Quand cette publication fut annoncée, il y a quelques mois, on pouvait craindre que l’auteur ne se fût associé aux vengeances dont le sentiment public en Europe fut alors si douloureusement ému. Il n’en est rien ; ce n’est pas après la victoire, ce n’est pas à l’heure des répressions cruelles que M. de Zedlitz s’est senti inspiré ; ses strophes ont reçu le baptême du feu, elles ont été dictées par les événemens, et elles accompagnaient l’armée sur les champs de bataille. Le Livre des Soldats doit même à cette circonstance le caractère particulier dont il est empreint ; il est si bien né sous les batteries italiennes, qu’il reproduit fidèlement toutes les pensées, toutes les ardeurs, pourquoi le taire enfin ? toutes les passions souvent injustes qui enflammaient les Autrichiens. Dans un brillant récit qu’on a lu ici même, M. de Pimodan confesse avec une grace militaire certains mouvemens de fureur, certaines explosions de ressentiment que sa générosité réprima aussitôt ; M. de Zedlitz ne réprime rien, il s’abandonne sans scrupule à toutes les violences de la lutte. Tantôt il frappe l’ennemi, tantôt il lui prodigue l’outrage. Le bruit de la fusillade éclate dans ses vers. Ses malédictions et ses cris de joie, ses emportemens ou ses sarcasmes respirent l’ardente ivresse de la poudre. Qu’il exalte les chasseurs tyroliens, ou qu’il accable de railleries amères la princesse de Belgiojoso et les amazones de Brescia, toujours la même passion l’emporte, toujours le poète est là, ironique, hautain, impitoyable, armé de paroles de feu et d’invectives qui tuent. S’il dépasse trop souvent les limites permises, l’excuse est dans la nature même de son œuvre ; son œuvre est un combat. Faut-il encore une autre justification ? N’oubliez pas le dégoût que produit chez les cœurs généreux le spectacle de la démagogie. Ce n’est pas seulement au nom de la patrie que M. de Zedlitz élève si fièrement la voix, c’est au nom de la liberté outragée, au nom de la civilisation éperdue. La liberté ! il la voit, il l’invoque dans le camp même de Radetzky. Quand il songe aux héros de la démocratie romaine, le camp autrichien est pour lui le camp de la liberté, la sauvegarde du droit, non pas certes du droit local, national, mais du droit humain, de l’éternelle justice partout foulée aux pieds des sombres milices du mal. La dernière pièce du recueil, les Soldats de la Liberté, exprime naïvement cette croyance, trop justifiée, hélas ! par les événemens de ces années démoniaques. « O sainte liberté ! s’écrie le poète, celui-là doit bien t’aimer, qui ne t’a pas prise en haine en te voyant ainsi entourée de hordes sauvages, d’assassins couverts de sang et d’impudens coquins ! C’est nous qui, les premiers, avons