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attendre le général de Lamoricière. L’usage veut que l’on choisisse un domicile, que l’on dise : « J’habite là. » Le général s’était informé à l’usage, et il avait pris pour logement le Château-Neuf ; mais celui qui eût voulu savoir en quel endroit, depuis six ans, il avait passé ses nuits aurait dû courir tous les bivouacs de la province.


I

La paix, troublée par la grande révolte de 1845, était alors complètement rétablie. Les tribus avaient de nouveau demandé merci, et une femme, selon le dicton du pays, aurait pu traverser cette province d’Oran, si rude à l’obéissance, une couronne d’or sur la tête, sans qu’un seul Arabe eût osé y porter la main. L’oeuvre de guerre accomplie, un commandement vigilant et ferme maintenant la tranquillité, toutes les pensées se tournaient vers la colonisation. Ministres, généraux, députés, tous ne rêvaient que colonisation, grande ou petite, militaire ou civile, à l’aide des compagnies ou par les soins de l’état. Bref, les systèmes marchaient leur train ; mais, à Oran, la colonisation par l’industrie privée était en honneur, et, dès que le général de Lamoricière fut de retour d’Alger, il donna tous ses soins aux concessions et aux concessionnaires.

L’on ne sait pas, en France, quelle était et quelle est encore, bien que leur position ne soit plus aussi considérable, la situation d’un officier-général commandant une province d’Afrique : c’est une seconde Providence. Maître absolu du pays arabe, sa volonté commande ; tout cède devant un de ses ordres ; son autorité ou son influence sur les Européens n’est pas moins grande : dans beaucoup de cas, sa décision a force de loi, sa recommandation est toujours puissante, et sur lui reposent la paix et la sécurité qui, seules, peuvent assurer la fortune des gens venus pour tenter le sort sur une terre nouvelle. Aussi le commandant d’une province ne doit-il pas seulement s’occuper de ses troupes et de la guerre : toute amélioration, tout projet utile est l’objet de son examen ; sans cesse, le premier, il provoque les mesures qu’il croit efficaces pour la prospérité du pays. À la fois homme de guerre et d’étude, accessible à tous, ses heures se passent dans le travail, et il ne quitte la table du conseil que pour monter à cheval et s’assurer par lui-même de l’état des choses, soit qu’il parcoure le pays arabe et s’entretienne avec les officiers chargés du commandement, soit qu’il reçoive les plaintes des chefs indigènes, ou visite et encourage les colons dans leurs travaux.

Le général de Lamoricière se proposait de parcourir ainsi toute la province d’Oran, dès qu’il aurait expédié les affaires les plus urgentes. Traversant d’abord la plaine du Sig et le village nouveau que l’on disait