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marabouts et guerriers, s’y rendirent à cheval, et le conseil fut présidé par Si-Laracb, marabout centenaire des Hachems, que tous tenaient en respect.

À cette époque, Mahiddin, le père d’Abd-el-Kader, jouissait dans toute la contrée d’une grande considération, que lui avaient méritée sa réputation de savant, les persécutions des Turcs et ses deux pèlerinages à la Mecque. Lorsqu’il visita pour la seconde fois le tombeau du prophète, vers 1828, il emmena avec lui son fils Abd-el-Kader, et, quand les pèlerins eurent fait leurs dévotions à la Mecque, ils se rendirent à Bagdad, où se trouve la kobba (tombeau) de Si-Abd-el-Kader-el-Djélaih (le sultan des hommes parfaits), en grande vénération dans toutes les contrées de l’ouest de l’Afrique. Ils étaient entrés pour prier dans une des sept chapelles au dôme doré qui entourent le tombeau du saint, quand le saint lui-même entra dans cette chapelle, sous la forme d’un nègre, portant un panier qui renfermait des dattes, du lait et du miel. « Où est le sultan de l’ouest ? dit le nègre à Mahiddin. — Il n’y a pas de sultan parmi nous, répondit Mahiddin, nous sommes de pauvres gens craignant Dieu et venant de la Mecque. » Et comme ils avaient mangé une des dattes apportées par le nègre, ils se trouvèrent rassasiés. Alors le nègre, se retirant, ajouta : « Le sultan est parmi vous ; gardez souvenir de ma parole, le règne des Turcs va finir. »

Cette légende, qui avait couru le pays lors de la chute de la puissance turque, avait donné un nouveau crédit à la famille de Mahiddin, et l’on s’en entretenait dans l’assemblée arabe d’Ersibia, lorsque Si-Larrach, le marabout centenaire, raconta que pendant la nuit Muley-Abd-el-Kader-el-Djélalli lui était apparu et avait causé avec lui. Un trône s’était dressé devant ses yeux. « Pour qui ce trône ? avait-il demandé. — C’est celui d’El-Hadj-Abd-el-Kader-Ould-Mahiddin. » L’assemblée aussitôt fut unanime pour reconnaître le choix que Muley-Abdel-Kader avait fait lui-même, et l’on envoya Si-Larrach avec trois cents cavaliers à la tente de Mahiddin pour chercher le nouveau sultan. Mahiddin avait eu précisément la même vision que Si-Larrach, et lorsqu’il avait demandé à Muley-Abd-el-Kader à qui était destiné ce trône, il lui fut répondu : « A toi, ou à ton fils Abd-el-Kader. Si tu acceptes, ton fils mourra ; dans le cas contraire, tu mourras bientôt. » Lorsqu’il se fut entretenu avec Si-Larrach, Mahiddin, appelant son fils, lui fit cette question : « De quelle façon commanderais-tu, si tu devenais le sultan ? — Si j’étais sultan, répondit Abd-el-Kader, je gouvernerais les Arabes avec une main de fer, et, si la loi ordonnait de faire une saignée derrière le cou de mon propre frère, je l’exécuterais des deux mains. » Mahiddin sortit alors de sa tente avec Abd-el-Kader, et s’écria : « Voilà le fils de Zora, voilà le sultan qui vous est annoncé