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qu’ils prétendaient aimer. Ainsi fortifiée dans ses embuscades par des auxiliaires sur lesquels elle n’aurait pas dû compter, la calomnie avait beau jeu. Le succès ne pouvait lui manquer. Le premier sentiment qu’en éprouvèrent les amis intelligens du pays et du roi fut la douleur bien plus que la surprise.


I.
LE ROI LOUIS-PHILIPPE AU MUSEE DU LOUVRE. – ENCOURAGEMENS AUX MANUFACTURES ROYALES, A L’INDUSTRIE ET AUX LETTRES.

On le sait : c’est principalement sur le terrain de ses affaires privées que le roi se trouvait livré presque sans défense à toutes les hostilités. Dans cette lutte plus directe et plus intime, il n’était soutenu que par un très petit nombre de ses partisans politiques. La plupart d’entre eux semblaient chercher au contraire dans les libertés de langage d’une opposition dirigée contre sa personne une espèce de compensation populaire à l’appui qu’ils accordaient par leur vote aux principes mêmes du gouvernement. Involontaire allié de la calomnie, ce génie malfaisant de la critique pénétrait jusque dans le palais des Tuileries. Tandis qu’au dehors ses ennemis accusaient le roi de thésauriser, d’augmenter incessamment sa fortune, au dedans des amis le blâmaient de dépenser sans mesure et pour l’unique satisfaction d’un goût particulier. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que le blâme s’adressait surtout aux travaux de bâtimens ordonnés par le roi dans les résidences de la liste civile et du domaine privé. « Le roi, disait-on, sacrifie tout à la manie de bâtir ; Fontaine ruine le roi ; toutes les dettes du roi sont des mémoires de bâtimens. » Ces formes diverses de la même pensée se résumaient encore en des termes plus énergiques et plus vulgaires : « Le roi aime trop la truelle. »

J’ai souvent entendu le roi discuter cette épigramme ; mais il la supportait avec plus de résignation que toutes les autres. « Je suis en trop bonne compagnie pour ne pas en prendre mon parti, me dit-il un jour : saint Louis, François Ier, Henri IV, Louis XIV et Napoléon avaient aussi beaucoup aimé la truelle. Qui le sait mieux que moi ? Ma truelle, à moi, qu’on fait si infatigable et si prodigue, est insuffisante à restaurer tous les monumens élevés par eux. D’ailleurs, ajoutait-il, c’est un beau défaut pour un prince que d’aimer à bâtir ; s’il est par là condamné aux quolibets des hommes de loisir, il en est bien consolé par les bénédictions de tous ceux qui travaillent. »

Le roi, si soudain à la réplique et si sensible à la contradiction, semblait presque se complaire à ce reproche de quelques-uns de ses