Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les frais de cet admirable entretien sont à la charge des communes ou des particuliers ; plusieurs églises ont des donations : les noms des donateurs sont gravés sur des tables de marbre. Si l’édifice demande quelque grosse réparation qui excède les ressources ordinaires, un pieux meeting en avertit les fidèles, et les bourses particulières s’ouvrent à la voix d’un paroissien accrédité. Il n’y a pas de fonds pour cela au budget de l’état, ni de ministres harcelés pour les distribuer un peu selon les besoins de l’art, un peu selon les besoins de la politique, ni d’opposition pour en demander sa part dans les bureaux des ministères et le retranchement à la tribune. Tout vient de contributions votées librement, ou de dons particuliers. Comment l’argent manquerait-il pour l’entretien des églises là où il abonde pour en édifier de nouvelles ? J’habitais à Londres un quartier où l’on vient de bâtir, à la distance d’un peu plus d’un mille, et dans la circonscription de la même paroisse, deux églises dans le style gothique, l’une pour les fidèles du culte anglican, l’autre pour les dissidens : les uns et les autres en ont fait les frais. C’est pour les deux églises une somme de plus de 40,000 livres sterling. L’esprit de secte n’y aide pas peu : entre anglicans et dissidens, il y a émulation de sacrifices ; mais cela n’y gâte rien, car dans l’esprit de secte il y a de la foi, et dans la contribution pour l’église il y a le don, deux choses profondément morales. Ira-t-on scruter les petits motifs ? S’il y en a, la grandeur de l’œuvre les couvre, et c’est par les grands motifs que des faits de cette sorte se caractérisent.

Toutes les églises du Nottinghamshire ont leurs légendes. Il en est une, à quelques milles de Mansfield, l’église d’Edwinstow, qui est un peu embarrassée de la sienne. Une tradition y marie Robin Hood ; elle est la seule ; selon toutes les autres, il y figura seulement comme témoin du mariage d’Allan-a-Dale, son ménestrel. Un jour, dit une ballade, Robin Hood rencontre un beau jeune homme couché sous un arbre et poussant de grands soupirs ; il l’avait vu la veille en habits de fête, chantant et folâtrant. Son fidèle Little John, le premier de la bande après Robin, le lui amène. Robin Hood lui demande s’il a de l’argent ; le chef des outlaws ne prenait rien sans l’avoir demandé. « Je ne possède que cinq shillings, répond Allan-a-Dale, et un anneau que j’ai au doigt depuis sept ans. Hier j’étais joyeux, j’allais épouser ma fiancée ; mais on me l’enlève pour la donner à un vieux chevalier ; » sans doute un chevalier normand, car toutes ces ballades sont l’expression de la lutte entre les Normands et les Saxons. « Que me donneras-tu, reprend Robin Hood, si je t’aide à ravoir ta dame ? — Je jure, dit Allan-a-Dale, d’être le plus fidèle de tes serviteurs. » Sur cela, Robin Hood et sa troupe se dirigent vers l’église d’Edwinstow, où s’acheminait la noce. Le chef s’y présente sous les habits d’un ménestrel, une