Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/640

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En général, les paysans de la Lombardie n’ont aucune idée de leurs droits politiques ; leur seul désir est de jouir de la paix à tout prix. Devant la crainte des maux que la guerre entraîne avec elle, leur patriotisme s’efface ; quant à la forme du gouvernement qui les doit régir, ils y demeurent, quoi qu’on fasse, complètement indifférens. Ce que nous disons des populations rurales s’applique également à certaines classes où foisonnent ces types précieux de la comédie vénitienne immortalisés par Gozzi et Goldoni. Ce n’est pas que celles-ci ignorent leurs droits politiques ; mais que voulez-vous, bon Dieu, qu’elles en fassent ? Entre les soins d’un négoce où l’usure finit toujours par jouer son petit rôle et les préoccupations d’une gastronomie héréditaire qui ne dédaigne pas de mettre elle-même la main au fourneau, quelle place resterait-il pour ces passions actives et dévorantes de la vie publique ? Pantalon et Brighella sont-ils gens à mourir jamais ? « A Palazzuolo, dit l’auteur du Journal d’un Officier piémontais, les officiers vont prendre leur café dans la maison d’un certain signor Fiorino, homme d’affaires de plusieurs riches propriétaires du pays, marchand de vins, aubergiste et même quelque peu usurier. Il signor Fiorino porte un habit cannelle, la culotte courte et les souliers à boucles ; quoique septuagénaire, il est d’une rare activité et ne recule devant aucune fatigue, lorsqu’il s’agit de réaliser quelque bénéfice. « Mes chers messieurs, nous disait-il un jour avec un certain air de bonhomie, je suis enchanté de vous voir, vous aimez le vino santo et le bon café, vous avez de l’argent, vos soldats paient tout ce qu’ils prennent, vivent les Piémontais ! Je désire ardemment que vous soyez victorieux avant cet automne, pour que nous puissions faire les vendanges. Il faut cependant rendre justice à tout le monde, l’Autriche nous laissait tranquilles (non ci tribolava), nous vendions assez bien notre soie ; » puis, craignant de s’être compromis, il reprenait avec une expression tant soit peu ironique : « N’importe, vive l’Italie ! nous sommes tous frères !

Fratelli d’Italia,
L’Italia s’e desta,
D’ell elino di Scipio,
S’e tinta la testa !…

Les personnages de la famille du signor Fiorino abondent dans l’ouvrage de l’officier piémontais ; mais nous avons hâte de revenir au maréchal Radetzky et d’esquisser, à l’aide de nos souvenirs, quelques traits de cette grande figure. Né le 2 novembre 1764 à Trzebenitz en Bohême, Joseph Wenzel comte Radetzky de Radetz touche à sa quatre-vingt-cinquièmes année. Sur pied et au travail dès cinq heures, le maréchal prend son café à six en compagnie de ses adjudans et de ses officiers d’ordonnance. On déjeune à dix heures, ondine à quatre. Le soir,