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commencé, contre la république française, une lutte à mort. Les débuts en avaient été désastreux pour elle. La Belgique était perdue, les provinces méridionales menacées, et nos armées, ramenées de défaite en défaite du centre de l’Allemagne au-delà de nos frontières, évacuaient leurs camps de Famar et d’Anzin en voyant tomber sous leurs yeux Condé et Valenciennes. Trois cent mille hommes entamaient, sur plusieurs points, la longue ligne qui s’étend de Bâle à Ostende ; deux armées d’invasion se formaient au pied des Alpes et au versant des Pyrénées ; les flottes anglaises, voguant sur toutes les mers, suscitaient sous tous les drapeaux des ennemis à la France. Pendant que les places fortes tombaient devant l’étranger, la Vendée se rendait maîtresse du cours de la Loire, et ses généraux, qui avaient deviné le secret de la grande guerre, enlevaient Saumur après trois batailles rangées. Au moment où les armées catholiques poussaient des avant-postes à quarante lieues de Paris, Lyon préparait sa défense immortelle, et cette ville fermait ses portes aux envoyés de la convention, lorsque Toulon ouvrait les siennes à l’ennemi. Enfin, au plus fort de cette crise, on apprenait que le général en chef des armées républicaines venait d’emprisonner les représentans du peuple délégués auprès de lui, et que, de concert avec les généraux autrichiens, il allait marcher sur Paris pour y renverser le gouvernement révolutionnaire. Ainsi, ce pouvoir qui, l’année précédente, triomphait à Jemmapes par l’épée du guerrier qui le répudiait, semblait à la veille de disparaître sous la pression de l’Europe et le réveil de la France : jamais situation n’avait été plus menaçante ni péripétie plus soudaine.

Un seul fait avait provoqué ce rapide changement de fortune ; déterminé la désertion du plus grand général de la république, élevé une barrière infranchissable entre celle-ci et les gouvernemens étrangers, décuplé la force des partis et transformé de timides paysans en soldats héroïques. La révolution avait obstinément refusé la vie de Louis XVI à l’Europe, qui la demandait comme première condition de la paix ; elle avait constaté par cet attentat réfléchi, consommé dans la pleine sécurité que lui garantissaient ses récentes victoires, la volonté de rompre avec tous les gouvernemens et de convier les peuples à une insurrection universelle des bords de la Tamise à ceux du Tibre. Le 21 janvier ne fut point une nécessité de la défense. Loin d’avoir été provoqué par les menaces de la coalition, comme on a eu si souvent l’impudeur de l’écrire, d’authentiques documens constatent que ce meurtre fut une réponse aux secrètes et bienveillantes ouvertures des cabinets[1]. Gratuite et audacieuse menace à tous les gouvernemens

  1. On me dispensera sans doute, pour établir ces dispositions des cabinets à la fin de 1792, d’apporter des preuves que tout le monde possède aujourd’hui. Chacun sait que le procès du roi fut le motif déterminant de la résolution si long-temps incertaine de l’Angleterre. La mission et les offres du chevalier Oscaritz, ministre d’Espagne, sont connues jusque dans leurs moindres détails, et les communications des généraux Dumouriez, Dillon et Galbaud avec les chefs des armées coalisées et avec M. Lombard, secrétaire du roi de Prusse, ne sont ignorées de personne.