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la loi fondamentale des sociétés modernes, l’attribution du pouvoir au travail et à l’intelligence ; mais ni sa prévoyance ni son esprit politique n’étaient en rapport avec sa légitime ambition. Aussi, après avoir triomphé de tous ses ennemis, succomba-t-elle presque sans résistance devant ses propres alliés. Après la crise du 14 juillet, qui avait authentiquement constaté l’impuissance de l’ancien régime, elle continua contre ses débris une politique de vengeance qui devenait dangereuse en cessant d’être nécessaire, et elle se mit à la merci des auxiliaires qu’elle avait appelés sans discuter leurs prétentions et sans soupçonner leur force. Au lieu de se cramponner à la constitution de 91, qui, malgré ses défauts, garantissait sa prépondérance et assurait son avenir, elle recula lorsqu’il fallut couvrir énergiquement le malheureux roi contre d’indignes attaques et de stupides calomnies, refusant d’assumer sa part dans l’impopularité sous laquelle d’exécrables passions firent bientôt choir la première monarchie constitutionnelle. Instinctivement convaincue que son sort était lié au maintien de cette monarchie, elle ne mit ni son langage ni sa conduite en rapport avec sa croyance, de telle sorte qu’au jour suprême elle se trouva dans cet énervant état d’esprit qui double les forces de l’agression et paralyse celles de la défense. Au 10 août, la bourgeoisie laissa passer la république, dont elle ne voulait pas, par crainte de se compromettre en défendant la royauté, qu’elle voulait. Elle avait retiré sa confiance à ses premiers chefs, ensevelis sous les décombres du gouvernement qu’ils avaient fondé, et les girondins, ses nouveaux agens, lui avaient à moitié persuadé qu’elle serait forte le jour où, répudiant une institution discréditée, elle n’aurait plus à stipuler que pour elle-même. Il arriva tout au contraire qu’elle se trouva immédiatement exposée aux coups de la démagogie et contrainte de combattre sur un terrain choisi par ses ennemis, au nom de principes qui impliquaient son abdication. Aussi le résultat de la lutte ne fut-il pas un moment douteux. La convention, sotie du sein des classes moyennes, et qui, livrée à elle-même, en aurait servi tous les intérêts, déserta sa politique sitôt qu’il fallut jouer sa tête pour la défendre. Au 21 janvier, la question fut tranchée entre la bourgeoisie girondine et la démocratique montagne, car ce vote impliquait l’établissement permanent d’un pouvoir révolutionnaire et l’emploi de moyens incompatibles avec le règne du travail comme avec celui de l’intelligence.

Les hommes qui, à l’assemblée législative, avaient laissé tomber le trône afin de ménager leur popularité, laissèrent, à la convention, tomber la tête du roi par le même motif. Le résultat de ces deux actes fut semblable : après avoir reculé devant la défense d’un droit social, ils furent atteints d’une impuissance irremédiable, lorsqu’il fallut se défendre eux-mêmes. Le 21 janvier assura le succès du 31 mai, et la