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pays, protégées par des forces imposantes, et formant, sous la direction du gouvernement central, autant de gouvernemens éventuels. Il y a là un essai de solution, au point de vue militaire, de cette question de la centralisation si souvent agitée depuis quelque temps. Quelques pages sur les causes générales de l’anarchie terminent cet intéressant traité, où les considérations politiques et morales viennent à chaque page éclairer et fortifier les considérations militaires. À lire de pareils écrits, empreints d’un sentiment élevé d’ordre et de discipline, on reprend confiance dans le temps et le pays où les devoirs militaires sont encore si noblement compris, et où le soldat est prêt à servir au besoin la civilisation de sa plume comme de son épée.


— Le Théâtre-Italien a fait son ouverture par la Sonnanbula de Bellini, chantée par Mlle  Sontag et M. Calzolari. Mlle  Sontag est toujours une charmante cantatrice, et M. Calzolari nous promet un ténor distingué ; la cantatrice dans le rôle d’Amina et le ténor dans le rôle d’Elvino ont mérité et obtenu les applaudissemens de la salle. C’est ce que nous avons à dire de plus flatteur pour l’administration. En somme, le début de la nouvelle troupe n’a pas tenu les promesses des journaux : Morino ne fera pas oublier Morelli, qu’il eût été habile de retenir, et peut-être eût-on mieux fait de fortifier les chœurs que de rafraîchir la salle. Nous ne voyons pas non plus venir encore les talens nouveaux qu’on nous annonçait pour justifier la révolution opérée au Théâtre-Italien depuis l’ouverture, et déjà nous sommes à la moitié de novembre, la Sonnanbula seule a paru sur l’affiche vraiment lilliputienne, — fort peu anglaise par bon goût sans doute, — du Théâtre-Italien, et nous craignons quelque peu de ne voir, en fait de nouveautés, que cette trop fameuse Tempesta pour défrayer l’hiver. Cependant on assure que l’on va répéter l’opéra de Ricci, Crispin et la Mort, qu’on applaudissait à Venise l’hiver dernier. Pour nous, qui nous intéressons à la prospérité de ce beau théâtre, nous le souhaitons vivement ; nous souhaitons surtout que les artistes éloignés forcément ou volontairement reviennent apporter le secours de leur talent à la nouvelle direction : Mlle Alboni, Mlle Véra, Mario, Morelli, Ronconi même, qu’il serait beau à M. Lumley de rendre à la scène italienne, si déjà un autre théâtre ne l’a enlevé, comme le bruit en a couru. Il ne faut pas que cette manie de division et d’éparpillement qui a fait tant de ravages dans d’autres régions pénètre au Théâtre-Italien ; il ne faut pas que la présence de M. Lumley soit une cause ou un prétexte d’éloignement pour aucune grande renommée. Cest en cela que la véritable habileté se montre effectivement, et sans doute on n’y fera pas défaut au Théâtre-Italien ; c’est par là surtout qu’on peut nous rendre cette grande école de chant que la révolution de février est venue disperser. Telles sont les seules réflexions que nous inspire pour le moment le Théâtre-Italien, sur lequel nous aurons l’occasion de nous étendre davantage, lorsqu’il nous aura montré les richesses qu’il doit tenir en réserve, s’il ne veut pas tromper nos espérances.


V. de Mars.