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infructueux d’établissement. Ataülf, qui avait fini par renouer les négociations d’Alaric, demandait des terres pour lui et son peuple. Mais où les placer ? L’Italie ne pouvait recevoir en amis ses déprédateurs, et la bonne intelligence qui régnait alors entre les deux empires d’Orient et d’Occident ne permettait plus qu’on les jetât, comme autrefois Alaric, sur les provinces de l’Illyrie orientale. Cependant la cour de Ravenne promettait, mais à condition qu’on lui remettrait d’abord Placidie, et, de son côté, Ataülf jurait qu’il remettrait Placidie aussitôt qu’il aurait des terres. Au fond, Honorius ne voulait rien donner, et Ataülf ne voulait rien rendre.

Une occasion favorable à la négociation parut enfin se présenter. La Gaule, après avoir été envahie en 1406 par les Alains, les Vandales et les Suèves, qui de là avaient passé en Espagne, s’était séparée de l’Italie. Cet essai de gouvernement indépendant qui dura quatre années, malgré de violentes dissensions intérieures et les guerres des usurpateurs entre eux, menaçait de se consolider ; les troupes romaines, un instant victorieuses, avaient fini par battre en retraite, et, au commencement de l’année 412, la domination italienne ne conservait plus en Gaule qu’une partie de la Narbonnaise. Ce fut alors que, désespérant de reconquérir autrement ces vastes provinces, Honorius proposa au roi visigoth d’y passer avec son armée, lui assurant un bon et fertile cantonnement dans quelque région de la Transalpine, pour prix du service qu’il rendrait à l’empire. Ataülf ne se le fit pas dire deux fois : il franchit les Alpes, et, arrivé dans la vallée du Rhône, il demanda au préfet du prétoire, qui résidait à Narbonne, un lieu d’établissement pour son peuple et du blé dont il avait un pressant besoin, le pays qu’il parcourait étant complètement dévasté ; mais il ne reçut de ce haut personnage, qui avait nom Dardanus, que des réponses évasives. Cependant la disette de vivres se faisait sentir de plus en plus, et Dardanus n’en envoyait point. L’idée lui vint alors qu’on le jouait et qu’Honorius peut-être ne l’avait jeté dans ces aventures lointaines que pour le perdre plus sûrement.

Ses perplexités s’accrurent par la nécessité où il se trouva bientôt de tirer l’épée. Un membre de la haute aristocratie gauloise, nommé Jovinus, venait de se faire proclamer empereur à Mayence, avec l’appui du roi des Burgondes, Gunther, et de Goar, chef d’une bande d’Alains restée dans ces parages depuis l’année 406 : il marchait sur Narbonne pour en chasser Dardanus. Apprenant l’arrivée d’Ataülf dans la vallée du Rhône, il s’arrêta à Valence afin de l’observer, de sorte que l’armée gauloise et l’armée wisigothe stationnaient à quelques lieues seulement l’une de l’autre. Ce voisinage fit travailler l’imagination d’Attale, qui ne se repaissait que d’intrigues, et pour qui les complications et les embarras n’étaient qu’un moyen tout simple de sortir