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tour construite en madriers de bois, à l’épreuve de la balle et même, jusqu’à un certain point, des fascines d’incendie. Cette tour, posée sur des fondemens en maçonnerie et protégée par une palissade ou par un fossé, peut contenir de douze à vingt hommes dans son étage supérieur. Cet étage forme saillant sur le rez-de-chaussée ; le saillant, qui est garni de créneaux ou meurtrières, par où l’on fait sur les assiégeans un feu horizontal, repose sur un plancher mobile ou machicoulis : en faisant glisser en dedans ce plancher, les assiégés peuvent atteindre, par un feu plongeant ou même à la baïonnette, les assaillans qui tenteraient d’enfoncer le rez-de-chaussée ou de l’incendier. Le blockaus est en général armé d’obusiers et approvisionné de grenades. C’est, comme on voit, un moyen de défense particulier à la guerre d’Afrique, où l’ennemi n’a pas de canons d’affût à nous opposer. Le blockaus est habituellement placé aux abords d’une plaine ou bien au centre d’une vallée, de telle sorte qu’Arabes et Kabyles ne puissent faire une incursion sur les centres occupés par nous sans passer sous le feu des obusiers du blockaus. Eh bien ! on a vu des milliers de Kabyles s’obstiner pendant trois et quatre jours contre ces tours de bois occupées par douze hommes jusqu’à ce que, décimés ou épuisés, ils se retirassent pour enterrer leurs mots et ne plus reparaître. Par la résistance invincible qu’oppose un simple blockaus a l’agression des Arabes et des Kabyles, on peut comprendre, sans s’en émerveiller, que cent vingt trois hommes aient résisté victorieusement à deux ou quatre mille assaillans dans le fort de Mazagran.

Si nous comptons quelques habiles et heureuses razzias opérées sur les tribus d’Oran par le général Lamoricière vers la fin de 1840, nous aurons donné le fidèle bilan de notre conquête jusqu’à l’arrivée du général Bugeaud, comme général en chef de l’armée d’Afrique, le 22 février 1841. Hormis Constantine, où notre puissance s’établissait sous d’heureux auspices, l’on peut dire que la conquête n’avait pas fait un pas depuis le premier jour, car les points de la côte dont nous étions les seuls occupans nous étaient disputés, même les environs d’Alger, par des incursions journalières, et, comme en 1833, nous étions obligés de repasser sans cesse le col de Mouzaîa, toujours défendu, pour aller ravitailler, Médéah et Milianah, où nous avions laissé garnison permanente. Enfin, pour dernier résultat, à peine vingt-sept mille colons avaient osé s’installer jusque là en Afrique ; encore étaient-ce des citadins ou des ouvriers de ville ne pouvant vivre que de l’armée et par l’armée. Il faut reconnaître pourtant que cette dernière campagne de 1840 avait donné une vigoureuse impulsion à la guerre ; elle avait surtout mis en relief les hommes et les corps qui devaient contribuer le plus glorieusement à l’œuvre glorieuse du maréchal Bugeaud. Parmi ces coadjuteurs du maréchal, il en est surtout deux qui se distinguent par