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entière l’unité de poids, de mesure, de monnaie, et que l’union douanière n’ait pas été étendue de la mer du Nord à l’Adriatique, dans l’ordre des idées morales, il réclame énergiquement l’unité de législation. « Quelle honte, s’écrie M. de Waldheim, qu’un Allemand puisse perdre ses droits de citoyen dans un des pays de l’Allemagne sans les recouvrer, dans un autre ! Ce seul point, je l’avoue, me fait bouillir le sang dans les veines, et je bénirai l’heure où un bienfaisant génie nous lavera d’un tel opprobre. » Rien de mieux ; l’essentiel pourtant est omis, puisque M. de Waldheim ne veut pas nous dire par quel moyen on obligera la diète à réaliser tous ces progrès. Sa secrète pensée, je le devine, est qu’on réussirait mieux en créant une diète nouvelle ; mais il n’ose l’avouer et garde un silence prudent. Son interlocuteur à beau le presser de questions, il n’en peut tirer d’autre réponse que celle-ci : « Qu’on veuille, qu’on veuille loyalement ; qu’on mette sérieusement la main à l’œuvre ; la force de la volonté est grande ; et combien plus grande la puissance de ce qui est vrai ! »

Il résulte de cette discussion, et ce point est important à noter, que M. de Radowitz, lorsqu’il écrivait en 1846 ses Entretiens, sur d’État et l’Église, n’avait pas encore de plan arrêté pour la révolution qu’il méditait dans l’organisation fédérale de l’Allemagne, ou qu’il craignait de laisser entrevoir ce plan. Il voulait l’unité de l’Allemagne, il déclarait que la diète était inférieure à sa tâche ; il était convaincu que cette unité ne pouvait être sérieusement fondée ni par les royautés absolutistes, ni par les gouvernemens constitutionnels ; il ne comptait que sur les passions généreuses de la nation entière ; et invoquait, pour la mettre en jeu, de grands événemens capables de remuer un peuple jusqu’au fond des entrailles. Comment s’étonner que M. de Radowitx, après l’explosion révolutionnaire de 1848, ait salué dans ce violent ébranlement de l’Europe le secours si ardemment, appelé et qu’il ait prétendu aussitôt le mettre à profit pour l’exécution de ses desseins ? Le catholique féodal, chez M. de Radowitz, était l’adversaire déclaré de la révolution ; au contraire, le chimérique architecte de l’unité allemande se sentait comme attiré par elle. Ce furent les fantaisies qui triomphèrent, et l’ardente illusion du rêveur imposa silence aux répugnances du chrétien.

Ces discussions sur le gouvernement et l’unité de l’Allemagne remplissent pas toutes seules les curieux entretiens de M. de Radowitz ; la polémique religieuse y tient une place considérable. Soit qu’il défende l’esprit chrétien en général contre les brutales négations de l’athéisme hégélien, soit que, dans un débat plus subtil et marque de mille nuances, il veuille ramener le piétiste au sein de la foi catholique, l’illustre auteur se complaît dans ces controverses, où la bienfaisante ferveur de son ame peut se développer librement. Beaucoup