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Les services purement civils n’ayant en Angleterre, si l’on en déduit la perception de l’impôt, que la modeste dotation de 6 à 7 millions, somme qui présente une bien faible marge aux économies, c’est sur le budget militaire que se rabattent forcément les partisans des réformes. Or, l’allocation attribuée aux forces de terre et de mer a subi, depuis 1848, une réduction de 3 millions (75 millions de francs) ; le chancelier de l’échiquier demande, pour 1851, 15,555,171 livres sterling (environ 389 millions de francs). Les réformistes de l’école de M. Cobden voudraient que l’on en revint à l’effectif militaire et naval de 1835, qui comportait une dépense de moins de 300 millions de francs ; mais on peut leur répondre que, lorsqu’une nation laisse descendre ses moyens de défense, à un état d’infériorité qui ne lui permet pas de tenir son rang et de faire respecter son influence dans les péripéties de l’équilibre européen, elle s’expose à avoir besoin de déployer, à l’improviste, au milieu du péril, les plus grands efforts comme les plus onéreux sacrifices. C’est ce qui est arrivé à la France en 1840 et à l’Angleterre en 1847.

Voici, au surplus, dans quels termes le chancelier de l’échiquier justifie la nécessité d’un effectif qui ne comprend pas moins, pour l’armée navale, de trente-neuf mille matelots : « Le gouvernement pense que, dans l’état d’agitation et d’incertitude où sont les affaires politiques sur le continent européen, les véritables intérêts de l’Angleterre ne lui permettent pas de réduire nos forces de terre et de mer. Je sais que le monde présente pour le moment un aspect tranquille ; mais on ne doit pas oublier qu’il y a quelques mois à peine nous avons vu des millions d’hommes armés rangés en bataille les uns contre les autres au centre même de l’Europe. Souvenons-nous encore que de grands changemens se sont opérés depuis ces dernières années dans la puissance des forces agressives que l’on peut diriger contre notre pays. Je ne conçois aucune crainte à cet égard ni au sujet des circonstances qui nous environnent ; mais il y a une grande différence entre des alarmes sans fondement et une confiance absurde. Les hommes qui sont versées dans ces questions savent pertinemment que nos ports et nos arsenaux ne sont pas aujourd’hui dans un état de défense qui réponde aux exigences de la sécurité publique, et qu’il est nécessaire de pourvoir d’une manière efficace à la sûreté de ces grands dépôts de la richesse nationale pour le cas, heureusement peu probable, où la paix viendrait à être troublée. »

De nouvelles économies dans les dépenses du royaume-uni ne paraissent donc pas sérieusement possibles. Est-il vrai maintenant que l’on puisse supprimer ou diminuer largement certaines taxes avec quelque chance d’accroître ou de conserver, en tout cas, le revenu public ?