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la conversion volontaire de ces économies s’est élevée en capital à 24 millions de 1845 à 1850. Il n’y aurait pas d’inconvénient sérieux à pousser plus loin la logique de cette mesure, et à ordonner par la loi que tout dépôt qui aurait atteint, en capital et intérêts, le maximum de 1,250 francs, serait, faute par lui de le retirer dans le mois, converti en rentes sur l’état.

Les consolidations amenées par la révolution de février, si elles ont grevé l’état, ont du moins eu pour effet de rendre populaires les placemens en rente. M. Gouin fait remarquer que les déposans auxquels le trésor, en 1848, a remboursé 350 millions en rentes 5 pour 100, soit par 19,618,747 francs de rentes, au prix de 71 fr. 80 cent., ont conservé la plus grande partie de ces rentes, malgré le bénéfice considérable qu’ils en auraient retiré par la vente aux prix relativement très élevés qui ont été cotés depuis[1]. Le nombre des inscriptions, qui était déjà de 291,808 au 1er janvier 1848, s’élevait à 823,796 le 1er janvier 1851 ; d’où il suit que la révolution de février a imprimé à la propriété immobilière le caractère démocratique que la révolution de 1789 avait donné à la propriété foncière. La possession de la rente est, divisée aujourd’hui comme celle du sol. La France, qui comptait déjà 5 à 6 millions de propriétaires, compte maintenant plus de 800, 000 rentiers. Il y a là une garantie de plus pour l’ordre social et un attrait nouveau pour le travail. En élargissant la porte de la consolidation, l’on n’affaiblira donc pas l’institution des caisses d’épargne, on n’arrêtera pas les progrès de l’économie, et l’on ne découragera pas les sentimens de prévoyance. Aucun intérêt ne combat ici l’intérêt d’ailleurs prépondérant du trésor.

Les livrets de 1,250 francs et au-dessus doivent représenter, si la proportion est restée la même depuis 1845, au moins le tiers du capital des caisses d’épargne. La proposition de M. Delessert en la supposant convertie en loi, pourrait donc mettre le trésor dans la nécessité de rembourser aux déposans, une somme d’environ 40 millions. Voilà l’éventualité à laquelle il faut pourvoir, soit par une émission de rentes qui aurait le même caractère que le dernier emprunt, soit en faisant une large saignée, pour donner de l’argent comptant, à l’encaisse du trésor. Cette dernière combinaison, plus conforme aux précédens et aux principes, aurait l’inconvénient de ne pas réduire le découvert et se bornerait à modérer pour quelque temps le mouvement de la dette flottante.

Les esprits timides voudraient que l’état allât plus loin, et qu’il ouvrît un emprunt direct de 100 millions, dont le produit lui servirait à rembourser les 100 millions qu’il doit à la Banque de France. Je n’aperçois pas clairement cette nécessité. Un emprunt de quelque importance

  1. Rapport de la dix-septième commission d’initiative sur la proposition de M. Delessert,