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gouvernement. Elle en paraissait inséparable. Le roi n’avais jamais eu de goût pour l’opposition ; celle qui s’était formée dans les deux dernières années, et qui grossissait chaque jour, lui semblait dirigée contre lui-même. De là une antipathie toujours croissante et qui est devenue l’écueil où s’est brisée la monarchie.

Dès 1847 ; la question à l’ordre du jour était la réforme parlementaire et la réforme électorale.

La réforme parlementaire consistait à ajouter aux incompatibilités déjà consacrées par quelques autres incompatibilités en fort petit nombre ; pour donner au parlement une indépendance plus certaine et en même temps mettre l’administration à l’abri des vicissitudes de la politique. Puisque la loi électorale de 1831 excluait de la chambre les sous-préfèts et les préfets avec les receveurs-généraux et particuliers, il était assez naturel d’en exclure aussi les procureurs du roi, les avocats-généraux et peut-être même les procureurs-généraux. Autant il est raisonnable que les places politiques soient données à ceux qui soutiennent le ministère à la chambre, autant il importe de constituer des carrières administratives et judiciaires en dehors du mouvement parlementaire. N’oubliez pas que cette question était ancienne, qu’elle avait été le sujet d’un long débat en 1840, et que le ministère d’alors, présidé par M. Thiers, en avait adopté le principe : il. nous était donc impossible de ne pas le soutenir en 1847.

En 1831, Casimir Périer avait compris qu’il fallait élargir l’enceinte électorale, et il abaissa le cens exigé de 300 à 200 francs. Au bout de seize ans, on pouvait bien élargir encore un peu cette enceinte. Demandions-nous donc le suffrage universel ? A Dieu ne plaise ! Demandions-nous même, ce qui certes eût été bien permis, un nouvel abaissement du cens ? Non ; nous réclamions seulement en faveur de ce principe universellement admis en Europe, que la fortune n’est pas la mesure unique de la capacité électorale, et que certaines professions et fonctions parfaitement déterminées peuvent en tenir lieu. J’avais déjà défendu ce principe en 1840 étant ministre, et même auparavant, en 1839, je m’étais complu à faire voir le ridicule de la bizarre combinaison qui, dans la loi de 1831, exemptait un membre de l’Institut de la règle commune des 200 francs de contributions. Son titre de membre de l’Institut lui était compté pour 100 francs, et il devait justifier en outre de 100 francs d’impositions. Ainsi 100 francs d’esprit, 100 francs d’argent, total 200 francs. Mais dans quelle balance avait donc été pesé le membre de l’Institut pour qu’on affirmât qu’il ne vaut ni 200 francs, ni 80 francs seulement, mais 100 francs, ni plus ni moins ? En vérité, étions-nous des révolutionnaires pour demander l’abrogation d’une pareille disposition, par respect à la fois pour la propriété et pour la science ? La propriété est assurément la