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Rochefort, ces établissemens essentiellement nationaux, dont l’orgueil de la patrie est la mesure et la raison d’être, alimentés exclusivement par les charbons de l’étranger, quelle blessure à la fierté de la France ! Quoi ! nous avons au centre de notre pays un massif de montagnes où l’on compte, soixante-dix mines de houilles en pleine exploitation ; de ces montagnes s’échappe un fleuve, la Loire, dont les affluens, l’Allier, le Cher, reliés les uns aux autres par le canal du Berry et le canal du Centre, sont tous navigables dans presque tout leur parcours, et Indret et Nantes placés au bas de la Loire, et Lorient et Brest réunis à la Loire par le canal de Bretagne, et Cherbourg placé presque au déversoir des mines d’Anzin, vont demander à l’Angleterre leur approvisionnement en combustible ! Cet état de choses si douloureux semble peser comme un reproche : amer sur l’administration de la marine. Est-ce bien l’état pourtant qu’il faut accuser ? Il est vrai que la plupart de nos bassins houillers contiennent du charbon propre à tout, et au puddlage du fer, et au chauffage des machines à vapeur ; il est bien vrai (du moins toutes les statistiques l’attestent) que le prix de revient du charbon sur le carreau des mines lui permet, dans nos ports, de faire concurrence aux charbons de l’Angleterre ; il est encore vrai que la direction des ponts-et-chaussées peut, sans trop de frais, nous livrer des voies de navigation suffisantes : eh bien ! faut-il le dire ? ce n’est pas l’état, c’est l’industrie qui fait ici défaut au sentiment national.

Afin d’amener dans nos ports le produit de nos houillères, la loi frappe à la douane tout charbon étranger d’un droit de 5 francs par tonneau. Au lieu d’étendre leurs ateliers pour répondre à cette généreuse protection, nos concessionnaires de mines ont maintenu leurs prix très haut, satisfaits des profits qu’ils font sur une portion restreinte du pays où le charbon étranger ne peut pénétrer que grevé de la double charge d’un droit lourd et de frais de transport considérables. Ainsi les intentions si nationales du gouvernement n’ont abouti qu’à faire peser sur la masse des consommateurs un impôt funeste, car nous restons incapables d’approvisionner nous-mêmes nos ports. » Si cet état de choses dure, toutes les industries du littoral, notre navigation et notre commerce maritime sont vivement intéressés à réclamer la suppression du droit d’importation. Que la commission, d’enquête porte son attention sur les procédés de l’industrie houillère : elle verra que, pendant la paix, nos arsenaux maritimes sont dans l’impuissance de s’approvisionner en combustible national, et que, si la guerre éclatait, il faudrait près d’un an pour que le charbon de nos mines arrivât, dans nos ports en quantité suffisante. L’assemblée souveraine, au lieu de poursuivre le fantôme de malversations imaginaires, ferait peut-être mieux d’aviser aux moyens d’approvisionner