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qui lui fournit son logement, et, ce qui est plus précieux, ses leçons et ses conseils. Il est heureux et libre ; il étudie le soir, travaille à l’atelier le jour ; et médite déjà de composer quelque grand poème qui puisse l’illustrer. Pauvre Alton ! il a encore toutes les superstitions de l’écolier : il croit aux grands poèmes, et ne voit pour éterniser un nom que les colossales entreprises. Heureusement Mackaye est là pour l’avertir, le redresser, l’encourager Mackaye est son bon génie ; il cherche à intéresser à son neveu l’oncle d’Alton, et noue des relations avec lui. L’oncle vient voir Alton et le quitte après une courte entrevue, en lui remettant une pièce de cinq shillings… et des promesses. Cet oncle a un fils, George, que son père destine à l’église. George est égoïste, intrigant, par conséquent prodigue de son amitié, et habile dans l’art de se créer des auxiliaires dans toutes les classes de la société. Il saute au cou d’Alton, le comble de flatteries et lui propose une promenade à la galerie de Dulwich, qu’Alton accepte avec empressement. Là se passe une scène qui rappelle singulièrement les rencontres impossibles et les aventures d’ouvriers et de duchesses si communes dans certains romans démocratiques modernes. Alton contemple un tableau du Guide, saint Sébastien, lorsqu’il entend tout à coup une voix de femme qui lui dit : — « Vous semblez vivement intéressé par cette peinture. » La conversation s’engage, et Alton, l’orgueilleux Alton, est obligé de confesser son ignorance il ne sait pas quel est le sujet du tableau. « Puisque, Lillian a nommé le saint, cher oncle, c’est à elle à raconter l’histoire, »dit la voix d’une seconde dame en s’adressant à un vieillard qui les accompagne toutes deux ? L’apparition disparaît comme le tableau d’un rêve, mais Alton est resté frappé au cœur, et il emporte dans sa pauvre demeure le souvenir de Lillian, décerne à cette beauté entrevue à peine le nom de Vénus victrix, écrit des sonnets et des odes en son honneur. Le cousin George, lui aussi l’a trouvée belle et exprime son admiration en termes qui étonnent le pauvre Alton, ignorant du beau langage des dandies et des oisifs. « Quelle figure, quelles mains, quel pied, quelles formes : en dépit des crinolines et autres abominations ! » telles sont les exclamations respectueuses qu’il fait entendre. Il entraîne Alton à sa suite et sort de la galerie pour donner un coup d’œil en homme avisé et expérimenté en ces matières, sur le blason de la voiture, désireux de saisir tous les moyens de poursuivre cette aventure et de revoir de plus près la brillante apparition.

George la revoit en effet, car Alton le retrouve bientôt à Cambridge hôte assidu de la maison du docteur Winnstay, père de la belle Lillian et oncle d’Éléonore Staunton, la seconde des deux dames de la galerie de Dulwich. Mais comment Alton se trouve-t-il à Cambridge ? Ici nous abandonnons le terrain du roman pour revenir à ces peintures de la