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de Cléopâtre. Ces propositions sont bien sérieuses, on ne peut plus sérieuses. Elles sont datées de Washington, 26 août 1850 ; elles ne sont que le résumé d’obsessions quotidiennes qui assaillaient les Dominicains depuis plus d’un an ; elles sont signées par M. Green père, l’ancien ministre des États-Unis au Mexique, et M. Green fils, entrepreneurs d’annexion fort connus, et dont l’un, M. Green père, n’avait pas employé d’autre procédé pour escamoter le Texas.

On est révolté, n’est-ce pas ? de tant d’âpreté cynique ; mais après tout, et à l’invraisemblable plaisanterie des deux vapeurs près, que demandent ici les États-Unis ? Ce que la république dominicaine nous offre depuis huit ans, et ce qu’elle devra, tôt ou tard accorder à qui le prendra Nous, dirons plus : les impossibles conditions pécuniaires dans lesquelles les Américains cherchent : à emprisonner la population de l’est ne sont qu’une formule de luxe qui n’est pas de nature à l’effaroucher beaucoup. Il est, en effet, évident que, le jour où les États-Unis disposeraient moralement et matériellement du principal noyau de l’armée dominicaine et auraient en outre la faculté d’improviser à discrétion des citoyens dominicains d’annexion ne tarderait pas à passer des choses dans les mots, ce qui réduirait presque a néant les engagemens qu’aurait contractés, la petite république en les confondant avec les charges de l’Union. Nous dirons plus encore : la propagande américaine, dès son début à Santo-Domingo, a su parfaitement choisir son terrain. Bien loin d’imiter la maladroite habileté de la chancellerie britannique, qui, en croyant s’appuyer sur une influence anti-française, n’a réussi qu’à partager sa chute, M. Green s’est dit en arrivant l’ami de nos amis. N’était-il pas d’ailleurs l’agent d’une puissance qui avait obstinément refusé jusque-là de reconnaître la nationalité haïtienne ? Le cabinet de Washington est entré, il est vrai, plus tard, en rapports réguliers avec Soulouque, mais pour se créer un nouveau titre d’influence auprès des Dominicains. Au mois d’avril 1850 parurent tout à coup en rade de Port-au-Prince un vapeur de guerre et deux corvettes des États-Unis. M. Green fils descendit avec l’apparat officiel d’un de ces bâtimens, et fit demander une audience à « l’empereur, ».qui éprouva un mouvement d’orgueilleuse joie en recevant, le premier entre toutes les majestés noires, les lettres de créance d’un envoyé américain. Celui-ci commença par demander pour les agens consulaires de sa nation le droit de battre pavillon dans tous les ports de l’empire, et sa majesté faillit embrasser M. Green. Il signifia en second lieu à Faustin Ier d’avoir à laisser les Dominicains en repos ce qui causa à sa majesté une sensation beaucoup moins agréable que la première. Il lui fit en troisième lieu sommation d’avoir à payer aux États-Unis, dans un délai de quinze jours, une note d’environ 300,000 piastres pour préjudices causés jadis à des sujets américains, et sa majesté acheva de perdre contenance. Ce n’était là