Irai-je donc livrer tout ce qui m’appartient ? Il faudrait être un pauvre homme et avoir perdu le sens ; non, je ne livrerai pas follement et sans raison le fruit de mes sueurs et de mes épargnes… Eh ! cher voisin, que signifient ces meubles, ce déménagement ? vas-tu loger ailleurs, ou mettre tes meubles en gage ?
Point du tout ; je vais les déposer sur la place publique, conformément au décret.
Tu vas les déposer ? Par Jupiter, tu es un pauvre homme !
Eh quoi ! ne dois-je pas obéir aux lois ? Tu ne songes donc pas à donner ce qui t’appartient ?
Je m’en garderai bien ; je veux voir comment feront les autres.
Que peuvent-ils faire que livrer leurs biens ? On ne parle que de cela dans les rues.
On en parlera long-temps encore.
Chacun dit qu’il va porter son argent au trésor.
Laisse-les dire.
Tu m’assommes de ne vouloir rien croire.
Crois-tu qu’un citoyen sensé aille donner son bien ? Cela n’est pas de notre temps ; il aimera mieux prendre celui des autres.
Tu es un mauvais citoyen, et je te dénoncerai à l’assemblée.
Quelle folie ! ne pas attendre ce que feront les autres ! et alors même…
Eh bien !
Attendre et différer encore. Je connais les Athéniens, ils sont prompts à voter les décrets ; mais, une fois rendus, personne ne les exécute.
Par Neptune ! si tu me retardes encore, je ne trouverai plus de place où déposer tout cela.(Il fait emporter ses meubles par des esclaves.)
Citoyens, la nouvelle république commence par un banquet fraternel. Hâtez-vous de prendre chacun la place que le sort vous a assignée : les tables sont prêtes, la cuisine est excellente ; les lits sont ornés de guirlandes et de tapis ;