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La topographie de l’Arménie et les cours d’eau qui l’arrosent sur tous les points y ont créé de nombreux et gras pâturages. Aussi de tout temps les Arméniens ont-ils été et sont-ils encore essentiellement pasteurs. Toutes les populations arméniennes que l’on rencontre éparses parmi les Turcs et les Kurdes, et qui s’adonnent à l’agriculture, réunissent aux travaux agricoles l’entretien de nombreux troupeaux.

La grande ou haute Arménie se divise aujourd’hui en trois pachaliks, ceux de Kars, d’Erzeroum et de Van, qui se subdivisent en plusieurs petits gouvernemens ou sandjaks, parmi lesquels le plus grand nombre ont des autorités turques, mais dont quelques-uns ont pour chefs des Kurdes feudataires de la Porte, s’en déclarant indépendans dès qu’ils trouvent une occasion, favorable. Les villes principales de ces sandjaks sont Erzindjâm, Mouch, Djulamerk, Van, Erzeroum, Kars et Ani. Ces deux dernières ont, comme je l’ai dit plus haut, joué le dernier rôle dans l’histoire de la monarchie arménienne.

Kars fut ville royale pendant cent trente ans seulement. Ce fut assez pour lui donner une importance qui a survécu à la chute des princes arméniens, et qui lui vaut aujourd’hui l’honneur d’être la résidence d’un pacha. Sa voisine, Ani, eut à peu près la même destinée, et fut aussi la capitale de l’Arménie, mais de ce royaume réduit aux proportions qu’il avait lors de la grande invasion des sanglans apôtres de l’islamisme. C’était une ville forte, et derrière ses remparts les rois mettaient leurs trésors en sûreté, ce qui ne contribua pas peu à en faire un objet de convoitise pour tous ses voisins. Aussi eut-elle à soutenir plusieurs siéges contre les Turcs, les Persans ou les Grecs auxquels elle prit le parti de se donner, dans l’espoir d’échapper aux premiers ; mais Byzance était déchue, et Ani lui fut enlevée, comme tant d’autres de ses possessions. Cette ville, après avoir passé de main en main et avoir nécessairement subi des épreuves funestes à sa conservation, finit par être complètement ruinée en 1319 par un tremblement de terre. Alors sa population, tombée dans une profonde misère, fatiguée de révolutions qui avaient si souvent changé son sort, était découragée par les malheurs dont les guerres lui avaient fait porter le poids ; découragés surtout à la vue des décombres sous lesquels leurs demeures étaient abîmées, les habitans d’Ani n’attachaient plus assez de prix à leur ville tant de fois saccagée pour la reconstruire. Ils l’abandonnèrent et se dispersèrent dans toutes les directions. Depuis ce grand cataclysme, jamais Ani ne s’est relevée, et l’on n’y voit aujourd’hui que des ruines. Les restes de ses fortes murailles, de ses églises, les vestiges du palais de ses rois attestent sa grandeur passée ; cette ville semble être l’image matérielle de la puissante nation abattue, dispersée, dont les tronçons résisteront long-temps encore sur le sol asiatique où ils sont éparpillés.

Quant à Erzeroum, c’est une des cités anciennes de ce pays où s’est