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national en représentant des courses, voire des courses d’ânes (donkey races). Dans celles de ces pièces dont quelques détails nous sont parvenus, Punch, qui n’est pas, comme on sait, un très habile écuyer, remplit avec beaucoup de finesse et d’esprit les rôles de parieur et de maquignon[1].

Ne croyez pas cependant que les puppet-players ambulans et les gallantee-showmen de Londres aient tout-à-fait abandonné de nos jours leur ancien répertoire religieux. Outre le Vceu téméraire de Jephté, qu’on jouait, comme nous l’avons vu, du temps de Fielding, et la Cour du roi Salomon, dont Goldsmith parle dans sa jolie comédie She stoops to conquer[2], M. William Hone nous a fait connaître un habile artiste, M. J. Laverge, qui avait conservé presque jusqu’à ces derniers temps la tradition des puppet-shows religieux. Son théâtre, sous le nom de Royal gallantee-show, était, en 1818, placé à Holborn-hill dans Ely-court ; il montrait en ce lieu ou chez les particuliers la Passion de Jésus-Christ, l’Arche de Noé, l’Enfant prodigue et une pièce fantastique et légendaire, Pull devil, Pull baker, où se voyait la juste punition d’un boulanger qui vend à faux poids, et que le diable emporte en enfer dans sa corbeille[3].

Punch et les puppet-shows n’ont pas eu seulement, comme je le disais tout à l’heure, leurs rapsodes et leurs Aristarques ; ils ont encore rencontré de nos jours un Aristote, je veux dire un critique à la fois ingénieux et philosophe, qui n’a pas dédaigné de chercher à fonder la poétique du genre, et de rendre psychologiquement raison de l’attrait que les marionnettes exercent en tous pays. Dans ses excellentes lectures on the english comic writers, à la fin du premier chapitre (on wit and humour), M. William Hazlitt a brièvement, mais magistralement indiqué quelques-unes des raisons naturelles qui assurent aux puppet-shows ce qu’il appelle leur irresistible and universal attraction. Je regrette de ne pouvoir suivre en ce moment l’habile critique dans cette étude tout esthétique, mais j’ai cru devoir au moins la signaler.

Je terminerai cette histoire des marionnettes anglaises en faisant connaître un dernier fait qui leur est particulièrement honorable. Le docteur Johnson, très amateur, comme nous l’avons dit, des puppet-shows, a répété souvent dans l’intimité que des marionnettes représenteraient tout aussi bien que des acteurs vivans les drames de Shakspeare, et que l’effet de Macbeth en particulier était, à son avis, plus affaibli qu’augmenté par l’appareil scénique et quidquid telorum habent armentaria theatri. M. Boswell, en confirmant l’authenticité de ce dire singulier, fait cependant observer que le judicieux et humoriste critique n’a consigné

  1. Punch and Judy, p. 73.
  2. She stoops to conquer, acte III, sc. I. Cette pièce a été jouée à Covent-Garden en 1773.
  3. Will. Hone, Ancient Mysteries, p. 231.