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l’achèvement de cette fortification passagère, et mit dans ses attaques une audace incroyable ; les compagnies du bataillon d’Afrique, qui occupaient l’extrême droite de la ligne de défense, battirent en retraite un peu en désordre ; un flot d Arabes débouchant de la plaine les fusillait à vingt pas. Dans ce combat acharné, quelques uns des nôtres, tués ou blessés, furent abandonnés ; et, sans l’énergie du lieutenant Peyssard ; le mal aurait été plus grand. Cet officier se précipita sur les Arabes, entraînant avec lui quelques hommes de son bataillon, et parvint à leur arracher plusieurs victimes. Le soir, l’armée assistait à un douloureux spectacle : les têtes de nos soldats plantées sur des piques furent exposées au centre de chaque brèche ; nos canonniers se virent ainsi forcés de les abattre. De pareils actes de barbarie préparaient les plus cruelles représailles.

Le lendemain 12, l’ennemi essaya encore de nous attaquer ; il s’en prit cette fois à la cavalerie, qui était sortie pour faire son fourrage. À l’époque des pluies ; il pousse près des oasis une espèce d’herbe dont se nourrit le chameau, et dont nos chevaux devaient se contenter faute de mieux ; aussi, tous les jours, un détachement nombreux de cavalerie et d’infanterie part ait du camp pour aller chercher la nourriture des escadrons et des bêtes de somme. Ce jour-là, le détachement était commandé par le colonel de Mirbeck ; il arriva sans difficultés à la pointe est de l’oasis de Bou-Chagroun. Les Arabes se montraient nombreux vers les bords de cette oasis. Quelques obus furent envoyés dans les groupes les plus audacieux, et la corvée put se faire assez tranquillement ; mais, au moment du départ, cinq cents chevaux et douze à quinze cents fantassins se précipitent sur le bataillon indigène, qui était resté à l’arrière-garde. Le commandant Bourbaki forme aussitôt son bataillon en carré et bat en retraite dans l’attitude la plus résolue. Au passage de l’Oued-bou-Chagroun, que les Arabes avaient choisi pour serrer de très près nos indigènes et les tourner, le combat devient très acharné. Plusieurs fantassins et cavaliers tombent du côté de l’ennemi ; le désordre commence à se mettre dans les rangs, lorsque le colonel de Mirbeck, arrivant avec sa cavalerie, charge à fond toute cette fourmilière d’Arabes, qui s’enfuit pêle-mêle du côté de l’oasis en laissant quatre-vingts cadavres sur le terrain.

Le même jour arrivait à l’armée de siège le commandant du génie Lebrettevillois, chargé de remplacer le colonel Petit ; il amenait avec lui un excellent officier, M. le capitaine Schoennagel, qui venait de Rome, et qui eut, ainsi le privilège bien rare d’assister à deux sièges mémorables dans la même année et le mérite de se distinguer à tous les deux. L’armée fondait de grandes espérances sur la direction nouvelle que ces nouveaux officiers ne manqueraient pas de donner aux travaux du siége. Nous recevions en même temps le 8° bataillon de