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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/1076

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de répartir l’impôt direct et de veiller à tous les objets d’utilité publique, tels que les routes, les canaux, l’instruction, la répartition des secours, etc. Elles émettaient des vœux, comme nos conseils-généraux, et leur histoire offre cela d’intéressant, qu’on y trouve nettement indiquées et très sagement discutées la plupart des grandes et utiles réformes réalisées par la révolution, et même quelques-unes de celles que nos discordes civiles, nos guerres et surtout l’impéritie de nos administrations ont ajournées depuis soixante ans. En 1787, dans le Poitou comme dans le reste des provinces françaises, l’esprit public est tout à la fois progressiste et conservateur ; mais tout à coup une sorte de fièvre s’allume et se propage : ce ne sont plus des réformes, mais la création d’un monde nouveau que rêvent tous les esprits, et bientôt la révolution marche, inexorable et fatale. Ici, le livre de M. Richard prend un intérêt tout particulier, et l’enseignement historique et politique en sort à chaque ligne. Au milieu des péripéties terribles de la guerre civile, on est frappé de voir comment, tout en faisant preuve d’une activité presque surhumaine, les autorités révolutionnaires se montrent en même temps d’une incapacité vraiment incroyable. Elles ne savent rien prévoir, rien ordonner. Les troupes déploient en pure perte un courage admirable, et meurent de faim dans les pays qu’elles ravagent. On a sans cesse recours à des mesures violentes, presque jamais à des mesures utiles, et, pour se venger de ne pas savoir vaincre, on multiplie les échafauds : En 93, l’administration de la Vendée prie celle des Deux-Sèvres de lui prêter sa machine à décapiter : cette dernière répond que Saint-Maixent a fait la même demande ; et décide que, pour satisfaire à toutes les réclamations, elle fera fabriquer cinq guillotines neuves. Il ressort jusqu’à l’évidence des faits consignés dans le livre de M. Richard que la cruauté des agens révolutionnaires fut toujours en raison directe de leur incapacité, que, sans cette incapacité et sans un entêtement obstiné dans la violence, la guerre de l’ouest, malgré l’héroïsme des Vendéens, eût été beaucoup moins sanglante et moins longue Il suffit, pour prouver la justesse de cette remarque, de nommer le général Hoche, et la plus sévère critique que l’on puisse faire du terrorisme, c’est de comparer les résultats obtenus par les proconsuls et, ceux obtenus par cet homme illustre, qui, tout en sachant combattre, s’attacha surtout à pacifier. Nous regrettons que M. Richard, dont le livre est d’ailleurs fort distingué, se soit montré indulgent à l’excès vis-à-vis des administrations révolutionnaires, et que, sans excuser les violences, il en ait admis parfois la nécessité c’est là une tendance trop commune aujourd’hui, et qu’il importe de combattre partout où elle se manifeste, dans l’histoire comme dans la discussion politique. Cette réserve faite, on ne peut que rendre justice à l’auteur, à l’exactitude de sa méthode, à la clarté avec laquelle il expose des faits très complexes et souvent obscurs, malgré leur date récente. L’Histoire de l’Administration des Deux-Sèvres sera consultée avec fruit par tous ceux qui voudront étudier ou écrire cette iliade de la Vendée, si pleine de grandeur et d’héroïsme.


CHARLES LOUANDRE.