Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/1132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

endossé l’uniforme de l’autre, comme si ces uniformes n’avaient pas failli se rencontrer face à face en bataille il y a moins d’un an. Tous deux aussi venaient de rendre le même hommage au conseiller, le plus autorisé de l’ancien ordre de choses, au prince de Metternich. Le roi de Prusse était allé passer deux heures avec lui à son château du Johannisberg ; l’empereur l’a presque solennellement invité à choisir de nouveau pour sa résidence ordinaire la capitale d’où la révolution l’avait chassé. Il est trop clair qu’il ne s’agit pas là d’une réparation purement honorifique. Ce n’est ni plus ni moins que le symptôme avéré, le signe affiché d’une réaction nouvelle. L’Autriche promet, il est vrai, dans ses journaux ou dans d’autres documens, que la contre-révolution ne sera point un caprice aussi fantasque, aussi peu pratique à Vienne qu’à Berlin ; elle n’a d’autre but, à l’entendre, que de substituer chez elle ce qui est possible à ce qui ne l’est pas, et de fait nous avons dit dans le temps et nous devons encore dire aujourd’hui plus exactement les difficultés d’application qui, au moins autant que les répugnances politiques, ont comme annulé de prime abord la charte autrichienne du 4 mars, c’est la suite qu’il faudra voir. En attendant, d’autres conférences se préparent entre les princes secondaires de l’Allemagne que la récente décision de l’Autriche mettra bientôt dans une position si pénible, et l’empereur, qui a quitté Ischl, est sans doute à Vérone, où tout annonce l’ouverture d’un grand congrès. Les projets se multiplient, les bruits circulent. L’Autriche aurait accepté le patronage des réclamations élevées par la Prusse au sujet de Neufchâtel, la Suisse entière serait sous le coup des résolutions qui s’apprêtent ; le cordon des troupes impériales en Lombardie se rapprocherait de plus en plus des cantons méridionaux. D’un autre côté, il serait question de comprendre tous les états italiens dans une même union douanière, et de reléguer ainsi le Piémont comme en dehors de l’Italie. L’Autriche couronnerait par cette dernière conquête le laborieux établissement de sa suprématie politique au-delà des Alpes, et s’assurerait des débouchés que la Prusse, malgré toutes ses concessions, ne se lasse pas de lui disputer en Allemagne. En Allemagne même, l’Autriche n’en continue pas moins, sous une forme ou sous l’autre, à se porter en avant. Elle prolonge ses chemins de fer ; elle s’ouvre à travers la Bavière une route d’étapes pour le passage des troupes et le ravitaillement de la garnison de Mayence, tandis que, nonobstant toutes les négociations, elle conserve son armée dans le nord, et, sous prétexte de maintenir ou la paix des duchés ou les ambitions du Danemark, prend ainsi la Prusse à revers. Et tout cela s’accomplit au nom de ce jeune césar qui entre à la fois dans le gouvernement et dans la vie avec un éclat d’autorité que l’empire n’avait pas vu depuis bien long-temps ; reste à savoir sur quelles bases définitives et durables établir maintenant cette autorité qu’on a refaite : — les ordonnances du 20 août dernier renversent celles qu’elle semblait avoir dans la constitution du 4 mars.

Il est indispensable d’examiner de près ces lettres de cabinet signées par l’empereur, comme si elles émanaient de sa seule initiative, et adressées par lui au président du conseil de l’empire, le baron de Kübeck, au président du conseil des ministres, le prince de Schwarzenberg. Il est d’un grand intérêt d’avoir au juste le sens de ce coup d’état, car c’en est un, pour suivre les conséquences qui peuvent en découler. C’est un coup d’état, disons-nous, et la