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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/1134

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quelques ordonnances comme celles de M. de Westphalen, il serait bien inutile de l’abolir avec la rudesse du prince de Schwarzenberg.

Nous enregistrons exprès ces témoignages de la pensée prussienne relativement aux lettres de cabinet du 20 août pour éclairer le premier côté par lequel nous veuillions les envisager. Elles sont d’abord en effet une rupture bruyante avec les tendances constitutionnelles dans lesquelles une grande partie de l’Allemagne marchait depuis 1815, dans lesquelles l’Autriche elle-même semblait engagée depuis 1848. Bien ou mal appliquées, les institutions libérales du système représentatif étaient devenues le droit commun de l’Allemagne. L’Autriche avait reconnu ce droit, et l’avait promulguée comme le sien, tout en s’arrangeant chez elle pour en ajourner la pratique. Les nécessités de la guerre intérieure et de l’état de siège lui servaient de réponse aux instances des impatiens ; puis c’était la difficulté de réunir les états nationaux des peuples divers incorporés dans l’empire, la difficulté plus grave encore d’avoir une diète impériale et centrale. Jusque-là, les ministres agissaient sous leur responsabilité, et, grace à cette garantie qu’ils devaient offrir à la plus prochaine diète, ils ont agi comme les ministres d’un pouvoir sans contrôle. La garde nationale a disparu la presse a été sévèrement réglementée ; le contrôle et le contre-poids ont été retranchés de toutes parts. Et pourtant ceux qui considéraient les réformes civiles introduites au sein de la monarchie, l’abolition des corvées et des droits seigneuriaux, l’institution du jury, l’organisation administrative des communes, ceux-là ne pouvaient refuser d’admettre que le gouvernement de Vienne n’était point un gouvernement rétrograde, et ils obstinaient dans l’espérance de le voir devenir réellement constitutionnel. La Gazette d’Augsbourg était remplie de correspondances qui, promettaient à l’Autriche le plus vaste développement politique, et annonçaient sans se rebuter une émancipation progressive. M. de Schmerling, M. de Brück, M. Bach, des personnages nouveaux qui dataient de la révolution, n’avaient pas quitté le pouvoir ; leur présence encourageait des illusions opiniâtres ; on cherchait un essai de parlement impérial dans le comité de hommes spéciaux, industriels et fabricans, que le ministre du commerce, M. de Brück, avait réuni sous sa présidence pour débattre des questions de tarifs. Malheureusement M. de Schmerling, M. de Brück ont été tour à tour écartés ; leurs projets coûtaient trop cher quand on était déjà si fort à court d’argent. Il n’est plus demeuré que M. Bach, tout entier possédé par ces idées de centralisation unitaire dont il est, dit-on ; l’inspirateur, et que le prince de Schwarzenberg a si passionnément adoptées. Ces idées sont, à coup sûr, d’un esprit de ce temps-ci ; mais on leur a sacrifié beaucoup, et nous allons voir jusqu’à quel point elles avaient chance de s’appliquer, jusqu’à quel point elles sont capables de tenir contre les conseils du prince de Metternich.

Ces idées néanmoins, à tort ou à raison, impliquaient encore pour les gens de bonne volonté la conservation de certains principes libéraux ; de certaines formes libérales. Ce qui était, comme nous le montrerons, le vice de cette centralisation autrichienne, son origine, son caractère trop moderne, c’en était aussi le mérite, la signification la plus précieuse aux yeux des constitutionnels qui ne voulaient pas se décourager. Les ordonnances du 20 août ont rejeté l’Autriche sur un terrain tout opposé : voici en quoi elles consistent. Le ministre