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un ministère disponible, dont la recommandation particulière serait de mieux s’adapter aux plans de l’autocrate, et le prince Windischgraetz se réserverait derrière le prince Schwarzenberg pour fournir en quelque sorte un relai de plus dans cette réaction absolutiste qui s’étend à toute l’Allemagne.

Dans la Prusse enfin, ce mouvement, trop violemment rétrograde, n’est pas moins digne d’attention ; il s’est produit à la fin de mai par des actes significatifs qui ont déterminé depuis lors une inquiétude toujours croissante. Le ministre de l’intérieur, M. de Westphalen, a réformé par ordonnance la charte même du 31 janvier et la loi organique du 11 mars 1850. Il a réintégré à leur place et dans leurs droits hiérarchiques ces ordres distincts de paysans, de bourgeois, de chevaliers et de seigneurs que la constitution ne connaissait plus. Il remet les communes sous l’influence exorbitante des chevaliers ; il convoque à l’ancienne mode les états des cercles et des provinces ; il les appelle à nommer les commissions dont le concours est indispensable pour l’exécution de la loi du 1er mai 1851, qui fonde l’income-tax en Prusse ; mais ce choix est confié, par cette même loi du ter mai, à des assemblées composées dans un sens moins féodal par la loi organique du 11 mars 1850, et non plus à ces états désormais abrogés. Le ministre affirme bien que la résurrection des ordres n’est qu’un expédient provisoire, et qu’il n’ira point du provisoire au définitif sans recourir à quelque expédient plus légal ; par malheur, il se prononce en même temps presque aussi fort que les théoriciens les plus intrépides de l’état chrétien pour l’existence imprescriptible et perpétuelle de ces catégories exclusives au sein de la nation, et il n’admet pas que les ordres aient été virtuellement abrogés depuis 1848. Il lui faut aussi maintenant, comme à M. de Gerlach, comme à M. Léo, comme à M. Stahl, une paysannerie et une chevalerie, pour que l’état fasse bonne figure.

On ne saurait croire jusqu’à quel point cette école impuissante et tracassière cause de mal et crée d’embarras à la monarchie prussienne, dont elle tient toujours les rênes par un bout ou par l’autre. Qu’on en juge en voyant l’opposition que sa faveur soulève. Vainement elle rejette tout le tort sur les fonctionnaires prussiens, en s’attaquant exprès aux plus éminens, en traitant les gouverneurs des provinces (Oberproesidenten) de mandarins émeutiers ; il n’en est pas moins vrai que l’opposition se déplace d’une manière alarmante pour l’avenir et la sécurité de la monarchie prussienne. L’opposition ne se recrute plus en effet comme en 1848 et en 1849 ; il n’y a plus de révolutionnaires pour en former une. L’opposition, ce n’est plus M. Jacoby, M. d’Ester, M. Waldeck ; ce sont les Vineke, les Arnim, les Schwerin, les Hansemann, les Camphausen, ce sont les amis les plus éprouvés de l’ordre et de la couronne que l’on réduit à faire une résistance plus ou moins tempérée dans les termes, suivant le plus ou moins de vivacité des caractères. Ajoutons à ces opposans de nouvelle espèce un homme qu’il est encore plus étonnant peut-être de rencontrer dans leurs rangs, et dont nous voulons y signaler la présence pour qu’on sache bien ce que peuvent être des conservateurs qui en repoussent un comme celui-là.

M. de Usedom a tout à la fois occupé de hautes fonctions dans la diplomatie prussienne et siégé dans le parlement. À l’instant où grondait la révolution de 1348, il rendait publiquement hommage aux talens du prince de Metternich ; ministre de Prusse à Rome lorsqu’éclatèrent les désordres d’où sortit la république