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nations industrielles. Et d’abord voici la Grèce, petite boutique bleue et blanche, patriotiquement tendue aux couleurs nationales. Pauvre Grèce ! hors son patriotisme et son nom, que lui reste-t-il ? Elle n’est pas franchement européenne encore, et elle n’est plus orientale ; voilà bien un mannequin vêtu en pallicare, et ce costume brodé d’or est fort beau, mais il n’est plus de saison. Le pantalon a remplacé la fustanelle dans l’Attique, il y a beaucoup de fiacres à Athènes, et l’on ne nous donnera pas le change avec une petite veste de velours. La Grèce a adopté nos mœurs, qu’elle en prenne bravement son parti : elle n’a plus de beau que ses horizons, de grand que ses souvenirs. Je vois bien là des échantillons de marbres de Paros ; mais ces marbres, qui les taillera ? O Périclès ! que penseriez-vous, si l’on vous montrait dans ce recoin obscur et vide ce qui reste de votre patrie ?

Le Portugal touche la Grèce ; ces deux grands débris se consolent entre eux. À la manière des pauvres, le Portugal fait étalage de sa fortune ; il est généreux comme un gentilhomme ruiné. Sa libéralité va jusqu’à offrir aux passans dix tonnes ouvertes de tabac à priser, le plus blond, le plus fin du monde. Soixante mille priseurs éternuent chaque jour à ses dépens, et j’aime cette largesse aristocratique que rien ne lasse. L’Allemagne est plus mesquine ; elle avait fait jaillir du sol une source d’eau de Cologne, mais la fontaine a tari : or c’est un pauvre procédé que de promettre ce qu’on ne veut pas tenir. J’aurais fort envie d’établir sur ce petit fait un parallèle entre ces deux races, dont l’une, pauvre et désemparée, mais fière et noble dans son manteau déchiqueté, aimerait mieux mourir que de manquer à une parole même puérilement engagée, tandis que l’autre, riche et heureuse, naïve, dit-on, cherche aisément un biais et le trouve en rêvant. Le Portugal n’est plus au temps de Diaz, d’Albuquerque, de Vasco de Gama et de Camoëns, qui l’a chanté ; il s’en faut de beaucoup cependant qu’il soit mort, et son exposition n’est pas indifférente.. De belles toiles, des soieries passables, de bonnes armes, des draps excellens, prouvent que son industrie ne demande à la politique que de la laisser vivre. Le luxe y est représenté par des essences, de beaux marbres, de très jolies fleurs de laine de M. Marqués de Lisbonne, et les Açores ont envoyé un vase à filtrer l’eau d’une forme massive et d’une pierre toute particulière. Il s’en faut que le Danemark et la Suède aient fait un tel effort. Hors quelques statues dans le genre de Thorwaldsen, ou de lui-même peut-être, l’exposition danoise ne vaut pas la peine d’être nommée. Ce Thorwaldsen a été bien heureux de naître en Islande, dans un pays où les statuaires sont rares ; il a dû sa gloire en grande partie à cette origine. Italien ou Français, on n’eût jamais parlé de lui ; enfant du pôle, on lui fit une réputation pareille à celle qu’on prépare à M. Hiram Powers, sculpteur des États-Unis, pour les