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révélé, ainsi qu’on l’a vu, par la tendance de ses propres doctrines. D’un autre, côté, il avait eu l’occasion de réparer cet oubli des enseigneinens du christianisme qui trop long-temps avait été son partage. L’étude de la Bible lui avait fait puiser à la source la connaissance de la doctrine révélée. Il nous apprend lui-même que, en 1815 déjà, il commençait chacune de ses journées par la lecture d’un chapitre de l’Écriture-Sainte, habitude probablement contractée à cette époque même sous l’empire des impressions que l’ébranlement de la société avait produites dans son ame. Plus tard, on le voit continuer un commentaire sur l’Évangile de saint Jean, commentaire que son jeune ami Loyson avait entrepris et lui avait légué en mourant. Pascal avait souvent fourni un texte à ses méditations. Il commence par le combattre : mais, en le combattant, il apprend à le connaître, et finit par se rapprocher de lui. Toutefois l’Imitation de Jésus-C’hrist et les Œuvres spirituelles de Fénelon sont les deux livres dans lesquels il semble avoir rencontré l’expression des vérités chrétiennes qui répondaient le mieux aux instincts de son cœur et aux besoins de son esprit. Quelques relations personnelles contribuèrent enfin à fixer sa pensée sur les vérités révélées et à lui en faire apprécier la valeur. Stapfer surtout lui apprit par son exemple qu’une foi sincère et un zèle actif pour la propagation de l’Évangile pouvaient se rencontrer dans une intelligence cultivée et éprise d’un vif amour pour les spéculations philosophiques. C’est donc en toute connaissance de cause que M. de Biran était mis en demeure de choisir entre la philosophie stoïcienne et la foi des chrétiens.

La question ne se présente pas toujours à lui sous un jour identique, elle semble même quelquefois s’évanouir à ses yeux. Ces deux doctrines, qui s’offrent l’une et l’autre à l’homme comme un point d’appui, comme un moyen de bonheur, lui paraissent alors n’être point opposées, et présenter au contraire une même vérité sous deux faces un peu différentes. Qu’on en appelle au Portique ou à l’Évangile, qu’importe ? Ne trouve-t-on pas des deux parts une proscription égale de la recherche des jouissances sensibles et de l’entraînement des passions ? Cette manière de voir qui supprime le problème traverse parfois l’esprit de Maine de Biran, mais il ne s’y arrête jamais d’une manière définitive. Plus il cherche sa voie avec une attention sévère, plus il saisit fortement le contraste entre ces deux tendances, dont l’une porte l’homme à placer en lui-même tout son espoir, tandis que l’autre le pousse à s’abandonner à une force plus haute que la sienne et à y chercher tout son appui. C’est vers le christianisme qu’il s’avance ; des motifs de plus en plus impérieux l’éloignent des stoïciens. Il se demande si l’homme des stoïciens est bien l’homme réel, et l’expérience lui répond que, pour accomplir le bien, il ne suffit pas de le connaître ; avec la vue la plus claire du devoir, la volonté retombe souvent sur elle-même dans le sentiment intime de sa faiblesse, car l’impulsion qui